Du côté de Lisou... Deux sœurs durant la guerre

Avec ce premier tome de Quand la nuit tombe paru en février dernier, les éditions Delcourt délivre un joli récit à hauteur d'enfant , un nouveau témoignage de la guerre dans la noble lignée du devoir de mémoire qui est ici inspiré par le vécu des grands-tantes de la scénariste Marion Achard soutenu par le doux dessin de Toni Galmés.

En deux tomes, Marion Achard délivre le récit de deux jeunes sœurs qui, parce que de confessions juives en 1943, trouveront refuge dans un chalet à une douzaine de kilomètres de Grenoble avec leurs parents. Mais face à la persécution nazie, les deux soeurs verront leurs destinées se séparer. Mylaine , l'ainée, se sacrifie pour laisser sa soeur Lisou s'échapper. C'est à travers le point de vue de cette dernière que nous suivons le récit de ce premier tome ou, abritée, derrière une famille qui l'a recueilli, Lisou mènera un quotidien tendre mais cachée dans l'espoir de retrouver sa vraie famille.

Comme tout témoignage concernant ces survivants de la Shoah, nous pouvons nous attendre à un récit des plus poignants. Le trait du dessinateur et illustrateur italien , Toni Galmès est doux, arrondi, un style poétique et tendre assortie avec une jolie colorisation aux notes d'aquarelle qui ferait presque passer cette bd pour un délicat album jeunesse , ce qui peut aussi être en partie le cas, car ce premier tome peut aussi bien s'adresser à un jeune public niveau collège qu'aux grands lecteurs. Dans ce premier tome, Lisou nous raconte donc une enfance clandestine. Avec des faux-papiers, nous suivons le quotidien de la soeur benjamine qui n'a qu'une hâte , revoir sa famille et retouner à l'école. 

Une certaine vaillance est dépeinte dans cet album à travers le portrait de cette famille qui vit cachée tout en tentant de vivre normalement. Lisou continue d'apprendre son latin, le père de famille fait semblant de jouer du piano sur un tissu. Mylaine s'occupe de sa petite soeur. L'album est très hivernale, un hiver qui bascule dans le glacial lorsque des nazis viennent frapper à la porte, séparant ainsi les deux jeunes filles. L'une reste , l'autre s'échappe.

Pour Lisou, séparée de sa famille, c'est le début d'une seconde clandestinité, cachée derrière les remparts parfois fragile d'une famille d'adoption qui lui fournit de faux papiers. Un quotidien de l'innocence entaché par l'ombre du nazisme mais toujours illuminé par les saisons qui défilent inexorablement. Ce que  nous pouvons retenir dans ce premier  volume de Quand la nuit tombe , c'est cette étonnante douceur qui découle des pages avec cette humanité qui a soutenu Lisou, ce réseaux de résistants et de soutiens qui l'ont aidé à se cacher et à fuir en Suisse avec ses parents.

Le récit de  Mylaine, celle qui s'est sacrifiée et fut capturée par les nazis, sera sans doute bien plus sombre et plus dur  mais cette histoire sera fort heureusement racontée dans le tome 2 par la personne concernée, de même que Lisou, agée de 89 ans, a pu raconter la sienne...

Quand la nuit tombe est un titre touchant et essentiel. C'est l'une de ces bd sur la guerre dont le point de vue de l'enfance, ici incarnée par Lisou , parvient à donner de l'innocence et de la  légèreté même quand la nuit continue de tomber.