Critique de Hack/Slash - Back to school
par Ben-Wawe le dim. 24 nov. 2024 Staff
Rédiger une critiqueLa belle et terrible rencontre de la jeune autrice indépendante surdouée, et d'une franchise pleine d'humour noir et de violence sexy : une réussite touchante et intense
L'éditeur HiComics propose en cette fin d'année 2024 un nouveau très bel écrin, avec de très bons bonus, pour une mini-série sortie en VO chez Image Comics à peine à l'autonome 2023, et qui se révèle autant surprenante que réussie par bien des aspects.
Déjà, parce qu'elle voit l'autrice complète Zoé Thorogood (qui gère ici scénario, dessins et une partie des couleurs) s'attaquer à une franchise, certes indépendante mais qui dure depuis 2004 via plusieurs volumes. Cela interpelle, pour celle qui devient une icône des récits indépendants et intimes, après avoir réalisé le puissant It's lonely at the Centre of the Earth mais aussi les dessins de Rain, ce qui l'a menée à plusieurs nominations aux fameux Eisner Awards.
Ensuite, parce qu'il s'agit donc de la franchise Hack/Slash, créée par le scénariste Tim Seeley (vu ensuite sur Nightwing, Grayson...) et le dessinateur Stefano Caselli (actuellement sur Ultimate Black Panther). Cette saga est connue dans le milieu indépendant, a failli avoir une adaptation cinématographique et a déjà été portée deux fois au théâtre. Hack/Slash, ce sont les histoires de Cassie Hack, qui a découvert que sa mère était une tueur en série puis l'a vue se suicider... et qui a dû la tuer encore, quand elle est revenue en morte-vivante acharnée à poursuivre ses crimes !
Hack/Slash évoque en effet des créatures terribles, les Slashers, qui sont des décédés ramenés par des forces occultes pour poursuivre leurs mauvaises œuvres. Evidemment inspirés par les grandes figures du cinéma horrifique, ces monstres sont confrontés par Cassie, qui tente de gérer son traumatisme en les stoppant avec l'aide de Vlad. Ce dernier est une brute massive qui cache une laideur presque surnaturelle derrière un masque, et l'accompagne avec ses gros muscles souvent pratiques mais aussi son esprit très innocent.
Il est ainsi intriguant d'imaginer le style très personnel, intime même de Zoé Thorogood dans une franchise pleine de violence, de mauvais esprit, de gore et d'éléments sexy... mais le rendu est extrêmement bon et réussi ! L'autrice parvient à respecter les éléments de base tout en apportant sa vision, et en positionnant intelligemment son œuvre dans la continuité globale.
Mais de quoi parle Hack/Slash : Back To School ?
Un mois après avoir tué le Slasher qu'était devenu sa mère, Cassie Hack erre au cœur de l'Amérique, accompagnée depuis peu par l'étonnant Vlad. Ils sont dans un fameux diner, quand ils découvrent un nouveau Slasher – et surtout voient son anéantissement par la surprenante Darla Ritz ! Celle-ci est une femme distinguée, élégante, avec un certain style grâce à son cache-oeil et sa capacité à détruire les Slashers.
Darla Ritz, dont nous apprendrons la terrible origine dans le deuxième épisode, dirige une Académie pour Filles, pour former des Chasseuses A Gages. Cassie accepte de s'y installer, alors que Vlad est obligé de vivre dans une remise à côté (mais il s'y fait vite). La jeune fille découvre plusieurs étudiantes, qui ont un vécu similaire : toutes ont été confrontées à des Slashers, et apprennent ici à les anéantir, pour fluidifier la protection du monde. Même si, à l'Académie, chaque intervention est monnayée, avec une partie pour chaque élève qui réussit sa mission !
Cassie se rapproche alors de quelques camarades : Boo, la blonde ultra-sexy qui cache son traumatisme derrière une façade volontairement écervelée ; Mabel, la geekette sympathique ; Sam, la ninja afro-américaine revêche qui apprécie peu la nouvelle. Elles partent en mission ensemble, remontent la piste du concepteur du jeu-vidéo Frogboy dont le dernier opus a toujours été mystérieux et dangereux. Elles découvrent aussi un savant fou qui maltraite des strip-teaseuses et greffe des parties d'elles sur des monstres. Et, comme les autres, elles pistent le Slasher appelé la Daronne, qui corrompt des enfants pour tuer leurs parents partout dans le monde.
Cassie semble trouver un équilibre avec ses amies, son univers, et même une romance. Le lecteur ne verra qu'au dernier numéro comment tout ceci s'intègre à la continuité de la série, et aux futures errances de Cassie Hack... avec bien des traumatismes à la clé !
On le comprend, Zoé Thorogood a bien conservé les acquis de la franchise Hack/Slash : les Slashers sont particulièrement violents et dérangeants, les façons de les détruire sont pleines de mauvais esprit, les situations sont remplies d'humour noir, et ça charcute joyeusement.
Le lecteur ricane ainsi régulièrement devant la méchanceté des événements, avec également le côté sexy toujours amené par Cassie mais aussi par le casting secondaire. Boo est clairement l'atout charme de l'ensemble, avec des tenues troublantes et un dessin qui met bien en avant ses atouts, sans néanmoins tomber dans la vulgarité. Même un passage nu se révèle élégant et poétique, loin de la facilité de certaines autres productions, car la scénariste-dessinatrice sait rendre ces moments touchants plutôt que bêtement sexy.
C'est ainsi là qu'on voit l'impact, l'apport de Zoé Thorogood. L'autrice intègre bien les bases de Hack/Slash, mais en donne son interprétation, y ajoute ses éléments intimes. Le lecteur le ressent déjà dans la voix-off bien écrite de Cassie, qui commente les événements et y donne ses émotions, ses ressentis particulièrement fins et justes. C'est fluide et prenant.
Surtout, la scénariste-dessinatrice-coloriste diversifie le casting global, ce qui fait tout le sel de la saga. Même si elles apparaissent peu, car la mini-série ne fait que quatre épisodes bien qu'ils soient denses, les proches de Cassie sont importantes et particulièrement bien caractérisées. Certes, elles sont définies sur des archétypes assez classiques, mais elles fonctionnent bien ensemble et complètent l'héroïne encore à ses débuts.
L'on retient notamment Boo, qui est creusée au-delà de l'écervelée sexy pour être particulièrement déchirante, mais Darla Ritz est également un très bon personnage de directrice dure mais attachée à ses élèves après son traumatisme. C'est dans l'humanité de ces personnages, la finesse d'écriture de leurs interactions que Zoé Thorogood a un apport important... mais le sel principal de la saga est dans son dernier épisode.
Aucun spoiler ne sera donné ici, mais le lecteur pourra être particulièrement impressionné par la façon dont l'autrice créé des liens avec les autres volumes de Hack/Slash. C'est pertinent, marquant, cohérent, bien que fort intense et même brutal. L'on reste sans voix face à la solution trouvée pour se lier à la continuité, et l'on ressent une émotion forte pour le destin prenant de Cassiet Vlad.
Bon, l'on peut aussi voir quelques éléments non pas faciles mais un peu abrupts, notamment la romance de Cassie et la résolution globale. Cela participe néanmoins au style général, et il faut admettre que l'effet final est bluffant, étouffant et donc réussi dans le ressenti personnel, ce qui fait pardonner ces petites faiblesses de rapidité d'exécution.
Graphiquement, Zoé Thorogood a un style reconnaissable et marquant. Très indépendant dans l'approche, bien sûr, elle livre ici des planches qui paraissent un peu plus rondes que sur d'autres productions. Ses personnages demeurent fort reconnaissables, leurs expressions faciales sont très bien rendues, et la narration est particulièrement agréable et fluide.
L'autrice intègre bien les éléments de la franchise, en reprenant les designs de Cassie et Vlad, et en intégrant cet aspect sexy mais sans tomber dans le vulgaire. Surtout, Zoé Thorogood conserve son style, son approche autant poétique que mélancolique des choses, des personnages, des événements.
L'ambiance est travaillée et fine, autant que les designs des Slashers qui sont particulièrement terrifiants et dérangeants. Une réussite artistique globale épatante, dans un très beau volume d'HiComics qui livre des bonus bienvenus. Notamment une photo de l'étonnant cosplay de Zoé Thorogood avec Tim Seeley, le créateur qui a été ici son éditeur pour un résultat aussi efficace !
En bref
Zoé Thorogood réussit son pari d'apporter son approche personnelle, intime des choses et des gens à une franchise indépendante, tournée vers l'humour noir, la violence gore et le sexy. L'union des deux mondes fonctionne fort bien, avec des numéros denses et prenants qui présentent un casting particulièrement bien mené et bien écrit. Le final est extrêmement marquant, pour un effet étouffant et puissant qui ne laisse pas insensible. Une réussite, pleine d'émotions et de cette mélancolie poétique propre à l'autrice complète.
Positif
L'apport pertinent du style intime de Zoé Thorogood à une franchise pleine d'humour noir, de gore et de sexy.
La caractérisation des personnages, ainsi que leurs interactions réussies.
La puissance du final, que l'on ne voit pas venir et qui donne du sens à cette mini-série dans la continuité de la franchise ; puissant et étouffant.
Negatif
Quatre numéros, c'est peu même s'ils sont denses : l'on a envie de plus, car beaucoup de concepts sont à peine effleurés (l'Académie, les autres étudiantes, les Slashers rencontrés...).
Un souffle global réel, mais quelques facilités dans l'exécution : dans le dernier épisode, même si c'est compensé par le choc, et dans les numéros antérieurs, pour en finir avec les Slashers.
Un style graphique réussi, mais très marqué et qui peut ne pas plaire.
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