L'Art face au mythe de l'Ouest

Résumé : Arizona, mai 1885. Frederic Remington, alors jeune illustrateur inconnu, rejoint Fort Grant, non loin de la frontière mexicaine. Il rêve de montrer au monde cet « Ouest sauvage » et de placer ses illustrations dans la très prestigieuse revue Harper’s Weekly. Avide de capturer des moments authentiques et privilégiés avec ses crayons, il saisit l’occasion d’accompagner un détachement de cavalerie sur les traces de Geronimo, l’insaisissable chef indien. Mais, pris dans une tempête de sable, le dessinateur est capturé par un groupe d’Apaches conduit par Geronimo lui-même. Par l’intermédiaire de Maria, une jeune Indienne qui parle anglais, Remington apprend que sa vie ne tient qu’à un fil : Geronimo veut que Remington peigne son portrait…

S’appuyant sur des faits historiques, Josep María Polls et Sagar imaginent une rencontre légendaire qui aurait mis Remington, l’un des illustrateurs les plus populaires de l’Ouest américain, dont les images iconiques ont inspiré des générations de dessinateurs – y compris Jean Giraud pour Blueberry –, en présence du mythique Geronimo, qui fut le dernier grand chef apache à se battre contre les États-Unis et le Mexique.

Une lecture extraordinaire, je n’attendais pas grand chose de cette histoire, ne connaissant pas du tout Remington et à peine la légende Geronino. En revanche j’adore m’instruire et apprendre des choses. J’ai passé un très bon moment, notamment au début où c’est tout calme, posé. Ce début nous montre de beaux paysages et nous présente Remington ainsi que sa mission. Un évènement va tout chambouler, après des recherches infructueuses, une tempête de sable se lève et les deux personnages vont enfin se rencontrer, chose qui n’est jamais arrivé dans la réalité. Et c’est justement cette rencontre qui a été exceptionnelle, notamment une fois qu’on lit les explications en fin d’album.

La rencontre avec Geronimo va tout changer pour Remington, si jusqu’à présent les indiens refusent de se prêter au jeu du dessin Geronimi n’attend que ça. Remington, déchiré entre peur et fascination, doit naviguer dans un monde où les enjeux de pouvoir, de culture et de survie s’entremêlent. L’album ne se contente pas d’opposer cow-boys et Indiens ; il questionne les perceptions de l’époque, notamment à travers le regard d’un artiste qui cherche à immortaliser une réalité complexe tout en étant confronté à ses propres limites.

Comme je le disais plus haut, l’explication en fin d’album est géniale et complètement dingue. Remington a cherché toute sa vie Geronimo. Ils ne se sont jamais croisés. Cette bd est exceptionnelle, cette rencontre fictive aurait pu tout à fait avoir eu lieu. Quel plaisir cette aventure. En fait je me suis rendu compte que j’ai encore plus apprécié cette lecture grâce aux explications histoires de fin d’album.

Le dessin de Sagar, également responsable des couleurs, est un atout majeur. Ses planches, riches en détails, retranscrivent avec force les paysages arides de l’Arizona et l’intensité des confrontations. Les visages expressifs, en particulier celui de Geronimo, dégagent une autorité naturelle, tandis que les scènes d’action capturent le chaos et la rudesse de l’Ouest. La palette de couleurs, dominée par des tons ocres et sableux, renforce l’immersion dans cet univers impitoyable.

Au final, j’ai été dedans du début à la fin. Cette histoire est complètement immersive elle m’a transporté de bout en bout. Remington 1885 s’annonce comme une œuvre à la croisée des genres : un western graphique qui mêle aventure, introspection et dialogue culturel. En plaçant un artiste au cœur d’un conflit légendaire, Polls et Sagar nous invitent à réfléchir sur la manière dont l’histoire se raconte et se dessine.