Un engrenage cyberpunk qui grince et fascine
1. Une plongée dans le chaos de Megalopolyon
Dans ce deuxième tome de La Mécanique, intitulé Chamka, Kevan Stevens et Jef nous entraînent plus profondément dans les entrailles de Megalopolyon, une mégapole dystopique où règnent la violence, la corruption et une drogue ravageuse appelée le blast. L’histoire suit plusieurs personnages aux destins croisés dans un univers au bord de l’implosion. Safir, la fille du Mayor, s’aventure dans les bas-fonds interdits pour retrouver son frère Pauli, qui a fui le palais familial. Vananka, musicien rebelle, joue de la guitare – un acte prohibé – tout en cherchant des réponses sur Isabelle, son amour perdu, désormais mutilée et équipée d’une prothèse biomécanique. Pendant ce temps, Lynn, tueur des NUHP, traque les réseaux de contrebande de blast, tandis que la secte de Ganz et les Feds préparent des affrontements qui pourraient renverser l’ordre précaire de la cité. Les intrigues s’entremêlent dans un tourbillon de révélations, de flashbacks et de tensions, dévoilant un monde où la musique, les livres et l’humanité sont des reliques d’un passé presque oublié.
L’histoire est dense, parfois déroutante, mais elle capte par son ambition. Les luttes de pouvoir entre le cartel, les Invisibles, la secte de Ganz et les Feds donnent une dimension épique à ce chaos, tandis que les quêtes personnelles de Safir et Vananka apportent une touche d’intimité au cœur de la tempête.
2. Un dessin viscéral et un scénario qui cogne
Le dessin de Jef est une claque visuelle. Ses planches, denses et nerveuses, capturent l’essence crasseuse et suffocante de Megalopolyon. Les décors, entre néons blafards et ruelles suintantes, évoquent un croisement entre Blade Runner et les pages rageuses de Métal Hurlant. Chaque case est saturée de détails : des façades lépreuses aux prothèses biomécaniques, en passant par les foules oppressantes. Le style de Jef, parfois chargé au point de frôler l’illisibilité, reflète pourtant parfaitement la confusion et la violence de cet univers. Les couleurs, souvent sombres mais ponctuées d’éclats vifs, renforcent cette ambiance cyberpunk où la beauté côtoie la laideur.
Côté scénario, Kevan Stevens signe une narration complexe qui ne fait pas de cadeau au lecteur. Ce que j’ai particulièrement apprécié, c’est la manière dont il tisse des thèmes profonds dans un écrin de violence brute. Les flashbacks, bien que parfois abrupts, enrichissent les personnages en dévoilant leurs blessures et leurs motivations. La quête de Safir pour retrouver son frère, par exemple, révèle une fragilité touchante derrière sa détermination, tandis que l’obsession de Vananka pour Isabelle explore des questionnements presque métaphysiques sur la perte et la mémoire. Stevens excelle à faire cohabiter l’intime et l’épique, rendant chaque personnage prisonnier d’un système qui les broie. Les dialogues, percutants et sans fioritures, rappellent l’énergie crue des récits de science-fiction punk. Même si la multiplicité des intrigues peut dérouter, elle reflète la désintégration de cet univers, et c’est une audace que j’ai trouvée payante.
3. Mon verdict : un OVNI qui ne laisse pas indifférent
La Mécanique tome 2 : Chamka est une expérience intense, un voyage sans oxygène dans un futur nihiliste qui résonne étrangement avec notre présent. Ce tome approfondit l’univers du premier opus tout en amplifiant le chaos, posant les bases d’un final qu’on espère à la hauteur. La force de cette BD réside dans sa capacité à mêler une esthétique cyberpunk viscérale à une réflexion sur la perte de l’humanité dans un monde mécanisé. Cependant, la densité narrative et visuelle peut parfois perdre le lecteur, et certaines transitions abruptes demandent un effort d’attention. Cela dit, cet OVNI graphique et narratif assume son parti pris radical, et c’est ce qui fait son charme. Stevens et Jef ne cherchent pas à plaire à tout le monde, mais à marquer ceux qui osent plonger dans leur univers.
En bref
La Mécanique : Chamka est une fresque cyberpunk aussi belle que brutale, qui séduit par son ambition et son esthétique, malgré une narration parfois déroutante. Un must pour les amateurs de récits sombres et audacieux, à condition d’accepter de se perdre dans le chaos de Megalopolyon.








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