S'attaquer au Horla de Maupassant n'était pas vraiment une mince affaire. A vrai dire, je me demandais comment les auteurs allaient pouvoir raconter une histoire, qui est plus d' un délire psychédélique intérieur, qu'un récit où foisonnent de réelles intrigues et de l'action. Bertocchini s'en sort remarquablement, en suivant certes le récit linéaire et chronologique De Maupassant, mais aussi en donnant de la consistance aux personnages secondaires. L'auteur ne se contente pas de s'appuyer sur la nouvelle De Maupassant. il va plus loin en recréant un environnement, en écrivant des dialogues inédits et en s'appropriant complètement le récit. L'histoire commence à Rouen, sur les bords de la Seine. Guy de Maupassant est en manque d'inspiration. Il réfléchie à son prochain roman. Il faut dire que Bel Ami vient de faire de lui un auteur à succès. Soudainement, Maupassant est pris de violents maux de tête et d'une grande fatigue. Le Horla est là, et vient de frapper son créateur. Bertocchini raconte l'histoire De Maupassant lui-même. Cela n'est pas signifié dans la nouvelle de ce dernier. C'est astucieux, car cela ramène l'auteur à son héros de papier. Il s'agit donc bien d'une autobiographie. Afin d'échapper à ce démon, qui la nuit vient vider les bouteilles, casser les verres, et hanter ses cauchemars, Maupassant tente de fuir : le Mont Saint-Michel tout d'abord, puis Paris, pour la fête nationale. Mais rien n'y fait. Tout ramène Maupassant à Rouen, au Horla. A propos du dessin à présent. La bande dessinée est réalisée par Eric Puech, un dessinateur que je suis depuis pas mal de temps maintenant. Les planches sont magnifiques. Il me semble que l'artiste travaille en couleurs directes, c'est à dire en mettant la peinture à même la planche, sans passer par l'encrage. Disons que c'est un travail à l'ancienne, qui donne un rendu pour le moins impressionnant est saisissant. On reconnaît parfaitement Maupassant, et c'est d'ailleurs émouvant de le voir se mouvoir. On s'y croirait vraiment ! Le récit est bien construit, et gagne en intensité au fil des pages. Cette adaptation est donc réussie. Il s'agit à la fois d'une bande dessinée issue d'un texte classique, mais traitée avec beaucoup de modernité. En cela, le scénariste a réussi son pari : préserver l'atmosphère de l'oeuvre originale, son sens fantastique, tout en apportant une touche personnelle indéniable, rehaussé de dialogues précis, bien construits et bien écrits... Un très bel investissement, et deux auteurs à suivre de très près...