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Critique de Jabberwocky #1

par Kagemaru le sam. 27 févr. 2016

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L'histoire démarre aux derniers sursauts de la monarchie russe. Lily Apricot, une jeune femme employée par les services secrets britanniques, est envoyée retrouver l'orbe royal dérobé par un dissident à la couronne. Seulement, elle ignore que cet objet renferme bien plus qu'un symbole royal... Rencontrant sur son chemin le mystérieux Van Cleef, membre de l'organisation de l'ombre "Château d'If", dont le but est de protéger les dernières espèces dinosaures peuplant la planète, Lily se voit dès lors confrontée à un monde dont elle ne soupçonnait rien... "Jabberwocky" est un manga de Masato Hisa en sept tomes, dont le dernier doit sortir dans les prochaines semaines chez Glénat. L'occasion donc de reparler de cette série qui vaut le détour tant elle est atypique ! Son scénario est particulièrement dense et foisonnant pour deux-cent pages, et ne laisse aucun répit au lecteur concentré. Il le faudra, être concentré, tant les références intertextuelles et historiques abondent case après case. D'ailleurs, des pages annexes viennent révéler ces références entre chaque chapitre afin d'accompagner le lecteur dans l'univers si personnel de l'auteur, qui promet de nombreux rebondissements par la suite. Les dinosaures, êtres dotés de force et de parole, sont assurément le cœur du propos, et leur interaction avec l'héroïne est assez singulière et éclatante : pas le temps de tergiverser face à "l'autre" dans un premier temps, puis les vraies questions se posent enfin. Le lecteur n'aura de cesse de se demander pourquoi un tel lien se tisse entre Lily Apricot et Sabata Van Cleef. Spaghetti, uchronique, écolo, on ne sait plus sur quel pied danser tant les thèmes s'entrecroisent dans "Jabberwocky", mais cela n'est aucunement déstabilisant, car l'auteur fait preuve d'une grande rigueur narrative. Rien ne paraît survolé, anecdotique ou longuet, chapeau ! Une réflexion plutôt rare m'est venue : "Sept volumes, n'est-ce pas trop peu pour une fois ?" En effet, les protagonistes sont promis à évoluer partout dans le monde, avec à chaque fois une nouvelle mission à accomplir. On peut alors se demander quel véritable fil rouge se cache parmi les tomes. L'aspect le plus étonnant est sans conteste graphique. Lecteur de shônen traditionnel, fuis, ce n'est pas pour toi (à moins que tu aies enfin l'envie de lire autre chose) ! Masato Hisa possède une capacité de s'exprimer par le dessin dont on connaît peu d'équivalent, totalement maîtrisée. Ici, l'utilisation de quelques trames très classiques s'avère être uniquement une affaire de style puisque les nuances de lumière se font nettement sentir par le contraste permanent entre les blancs et les noirs, très distincts et rendant les images déliées. Très peu de hachures sont tracées, si ce n'est des lignes de vitesse, afin de laisser "parler" les aplats. Il faudra là encore se concentrer pour être sûr de bien saisir où se situent l'ombre et le contour. Mais l'originalité ne tient pas qu'au modelé, car l'agencement des éléments est encore plus audacieux. Effectivement, certaines planches ne reproduisent en rien le standard du manga en se rapprochant d'une liberté proche des expériences en franco-belge, ou plus généralement, des comics. Les angles de vue audacieux et la mise en scène des scènes d'action sont fougueux et jouissifs, car semblant s'affranchir de toute ressemblance à une œuvre antérieure. Ce premier volume de "Jabberwocky" laisse penser qu'il a réussi le tour de force de combiner plusieurs domaines artistiques sans jamais se fourvoyer. D'aucuns diront que la bande dessinée nipponne n'était peut-être pas le média approprié à l'œuvre, dans ce cas. Hisa démontre toutefois le contraire : il suffit de regarder Lily dans les yeux (typés manga des années deux-mille) pour se dire qu'il n'avait pas d'autre solution pour contrôler son souffle créatif... Pour conclure, l'édition française s'avère onéreuse (9€15) lorsqu'on considère que ce premier tome n'a pas de grand format, ni de pages couleurs, et peut de ce fait constituer un frein à l'achat au sein des plus petits budgets, même si la série n'est pas longue au final. "Jabberwocky" est comme un bon vin : onéreux, au bouquet varié et dont on se délectera jusqu'à la dernière goutte !

En bref

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