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Critique de Moto Hagio - Anthologie

par Suiginto le mar. 12 nov. 2013 Staff

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Grande dame du shôjô manga au Japon et injustement méconnue en France, Moto Hagio est cependant arrivée discrètement chez nous fin 2012 grâce au Cœur de Thomas paru chez Kazé, et aujourd'hui grâce à Glénat avec la sortie de cette imposante Anthologie. Si cette mangaka est peu connue en France (et peu éditée), c'est peut-être parce que son style de dessin est un peu daté, tranchant avec la production actuelle. En effet, Moto Hagio fait partie du fameux groupe de "l'an 24" (en référence à l'année de naissance de ces dames), et la majorité de sa production date donc des années 70-80. C'est sans doute pour cette raison que Glénat a choisi de présenter cette anthologie dans une présentation très classique, avec son coffret blanc épuré, réunissant les deux tomes aux couvertures argent et or. Ce choix d'édition, allié à un papier crème tirant sur le jaune, et au style des noms choisis pour chacun des deux volumes, qui sonnent un peu comme des traités ("De l'humain" et "De la rêverie"), penche peut-être un peu trop dans la sobriété, faisant finalement plus vieillot que "collector vintage"! Enfin, les petites et timides illustrations de couverture (pour le coffret et chacun des deux tomes) sont également loin de refléter le meilleur dont est capable Moto Hagio. En dehors de ces choix discutables (et sur lesquels chacun se fera son avis), il faut bien dire que l'édition est d'excellente qualité, agrémentée de quelques pages couleurs (avec des teintes de rouge), de deux préfaces (que je ne saurai trop vous conseiller de lire à la fin, l'une d'entre elles spoilant un peu Nous sommes onze), d'une biographie de l'auteure, et de petites notes à la fin de chaque nouvelle. La traduction et l'adaptation sont également fluides. Et malgré l'épaisseur de chaque tome, la prise en main se fait aisément. Autant dire que l'édition vaut largement son prix, d'autant plus qu'on a droit à neuf excellentes nouvelles de Moto Hagio, sélectionnées avec soin, et regroupées autour de deux thématiques, l'une axée sur la SF et le fantastique, l'autre sur les relations et le cœur humain. Un rêve ivre est la première nouvelle du recueil, et peut-être la moins bonne. Si l'idée de départ sur la réincarnation, la répétition du traumatisme, l'amour éternel face au destin inéluctable, séduit par ses thèmes touchants et tourmentés, la narration manque malheureusement de souffle et de clarté pour bien atteindre son but. L'anthologie se poursuit cependant avec Nous sommes onze, une nouvelle SF tellement incontournable qu'elle justifie à elle seule l'achat du titre. En guise de dernier test pour intégrer l'Université Spatiale, dix jeunes gens doivent passer 53 jours dans un vaisseau spatial... mais alors que l'épreuve commence tout juste, ils se rendent compte qu'ils sont onze... qui est l'intrus? En dressant l'épopée d'un futur lointain et en dépeignant avec une poésie et un imaginaire incroyable des peuplades extra-terrestres ayant leurs propres particularités, Moto Hagio nous transporte littéralement avec elle dans son univers. Le suspense et le côté policier de l'intrigue sont également très intéressants et bien amenés, avec quelques twists et une fin bien construite. Si le style de narration a un peu vieilli, le récit n'a rien perdu de son inventivité et séduit certainement toujours autant que lors de sa première parution au Japon en 1975! Dans Nous sommes onze - suite, on retrouve avec plaisir certains personnages de la célèbre nouvelle. Si cette histoire est toujours aussi dépaysante, narrant les tensions géo-politiques entre plusieurs planètes et les coups d'état qui s'en sont suivis, le rythme de la narration n'atteint pas l'ambition de l'intrigue, on peine ainsi à se passionner pour le sort de ces planètes et les dilemmes de leurs dirigeants. Le petit flûtiste de la forêt blanche est un conte fantastique mâtiné d'une pointe d'horreur, très joliment dessiné et avec une chute originale. Encore une fois, et malgré quelques petits défauts, cette nouvelle dégage une ambiance particulièrement réussie, si bien qu'on aurait aimé la voir plus développée! La princesse iguane est une nouvelle pleine d’ingéniosité et de poésie fantastique, au service d'une histoire à la fois réaliste et touchante dans les sentiments qu'elle exprime, dépeignant avec beaucoup de pudeur une relation mère-fille totalement dénuée d'amour. Avec Mon côté ange, c'est cette fois la dualité de l'âme que Moto Hagio explore, à travers l'histoire de deux sœurs siamoises aux destins contraires. Le dessin, extrêmement saisissant et prenant, délivre un message dérangeant et touchant qui ne vous laissera pas indifférent. Pour ceux qui ont déjà lu Le cœur de Thomas, Le pensionnat de novembre vous paraîtra familier puisqu'il évoque plus ou moins les mêmes lieux et les mêmes personnages, même si l'histoire est différente. La fin, terrible, nous montre encore une fois la puissance narrative dont est capable Moto Hagio. Ses histoires, loin des standards des shôjôs actuels, n'hésitent pas à dépeindre avec réalisme toute la cruauté et l'injustice qui peuvent toucher les relations humaines. Les deux dernières nouvelles ne font pas exception à la règle. Pauvre maman nous transmet une horreur indicible que l'on découvre au fur et à mesure du récit, à travers les yeux de son narrateur. Enfin, Le coquetier conclut cette anthologie avec un récit génial, sensible et bouleversant, prenant place dans la France occupée de la seconde guerre. L'intrigue poignante, la psychologie fouillée des personnages, la chute pleine d'émotion, nous transportent encore une fois. Ainsi, la maestria de Moto Hagio transparaît petit à petit, au fur et à mesure que l'on découvre chacune de ses nouvelles. Malgré un dessin marqué par son temps (l'Europe fantasmée et ses personnages aux boucles blondes), la puissance évocatrice des graphismes transporte toujours avec autant d'efficacité l'émotion (la dernière vignette du Coquetier!). La narration, parfois un peu précipitée, s'affirme dans certaines nouvelles très bien rythmées. Et surtout, dans l'ensemble, on est conquis par l'expressivité des personnages et la capacité de la mangaka à dépeindre les sentiments pas toujours nobles de ses personnages! Une anthologie de qualité, alliant un incontournable de la science-fiction avec de poignantes nouvelles, tourmentées et bouleversantes malgré la fausse simplicité de leurs morales... Un bon moyen de découvrir Moto Hagio avec ses meilleurs œuvres, pour un titre qu'il ne faut pas hésiter à se procurer! On en redemande!

En bref

La maestria de Moto Hagio transparaît petit à petit, au fur et à mesure que l'on découvre chacune de ses nouvelles. Malgré un dessin marqué par son temps (l'Europe fantasmée et ses personnages aux boucles blondes), la puissance évocatrice des graphismes transporte toujours avec autant d'efficacité l'émotion (la dernière vignette du Coquetier!). La narration, parfois un peu précipitée, s'affirme dans certaines nouvelles très bien rythmées. Et surtout, dans l'ensemble, on est conquis par l'expressivité des personnages et la capacité de la mangaka à dépeindre les sentiments pas toujours nobles de ses personnages! Une anthologie de qualité, alliant un incontournable de la science-fiction avec de poignantes nouvelles, tourmentées et bouleversantes malgré la fausse simplicité de leurs morales... Un bon moyen de découvrir Moto Hagio avec ses meilleurs œuvres, pour un titre qu'il ne faut pas hésiter à se procurer! On en redemande!

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