C'est dans les vieux pots...
[2de critique, partiellement basée sur ma première datant de Février 2014]
Je n'avais pas été tendre avec Enemigo lors de ma première lecture. Si je n'ai pas changé d'avis sur certains points, ceux-ci ne sont plus forcément des défauts à mes yeux ; des qualités sont même devenues visibles lors de cette redécouverte.
Donc, c'est indéniable, Enemigo suit au millimètre près les codes du film d'action-aventure classique. Il y a dix ans, j'avais considéré ça à la fois comme une force et une faiblesse ; désormais, je dirais plutôt qu'il s'agit d'une force. D'accord, si vous voulez de l'originalité, ce n'est pas là que vous la trouverez. Mais en fin de compte, quand on lit Enemigo, c'est précisément parce qu'on y vient chercher... eh bien, de l'action-aventure « à l'ancienne », façon Dirk Pitt ou Magnum. Impossible, donc, de le lui reprocher. Le petit dossier à la fin évoquant la genèse de l’œuvre ne laisse pas le moindre doute sur les intentions de l'auteur à ce sujet : il s'agissait justement de se positionner sur ce créneau, encore inoccupé à l'époque. Et donc, quand on sait à quoi s'attendre, impossible d'être déçu.
Lors de ma première lecture, j'avais trouvé l'ensemble « mou ». Bon, finalement, pas tant que ça. L'intrigue n'est pas très rythmée, a des baisses de régime ; mais la plupart des passages d'action sont plutôt dynamiques. Les cases sont statiques, c'est vrai. Pas d'enchaînements détaillés ; on comprend, la plupart du temps, ce qui se passe, et le cerveau complète. Ce qui signifie que l'auteur parvient à montrer le mouvement, l'essentiel, du premier coup. Par moments, ça fait très BD franco-belge, et c'est normal, puisque Taniguchi y a directement puisé l'inspiration. Donc, c'est un style. Il faut aimer, ou alors s'y faire. En dehors de ça, visuellement, c'est quand même un régal, entre les décors de jungle, les véhicules et les armes qui flattent vraiment la rétine. Coté personnages... eh bien, c'est rétro, mais ça fait partie du charme.
Pour un titre d'action, l'histoire s'avère à la fois simple et inutilement compliquée. Simple, parce que l'enjeu reste « sauver le frère disparu » ; compliquée, parce qu'on vous rajoute là-dessus des magouilles politiques où on peine durant un bon moment à replacer qui est qui et fait quoi, la faute à un début qui passe très rapidement là-dessus et délivre ses informations de façon décousue. C'est pas grave, hein, on recolle ensuite les morceaux au fur et à mesure, mais c'est un peu lourd.
Côté personnages, si tous ont la profondeur d'une flaque d'eau, on a tout de même de bonnes surprises : déjà, le chien, Little John, dont la présence est aussi utile que parfois commode, et dont le lien avec son nouvel humain est joliment mis en valeur tout du long ; mais aussi Gloria, loin d'être potiche, qui demeure une héroïne moderne même aujourd'hui. Kenichi et Peter sont beaucoup plus caricaturaux, mais ça n'est pas spécialement gênant dans ce genre de récit.
– Si tu étais né à l'époque de mon grand-père, tu aurais fait fortune comme chasseur de primes, c'est moi qui te le dis !
– Ou alors, c'est ma tronche qui aurait été sur l'affiche, qui sait...
Côté édition, Sakka a fait du très joli boulot : entre les pages couleur splendides qui parsèment les chapitres et le dossier à la fin, avec des interviews et plein d'infos sur l’œuvre qui apportent vraiment un plus, et permettent de replacer celle-ci dans son contexte.
En bref
Faut-il encore lire Enemigo, quarante ans après sa sortie ? Oui, évidemment, à condition de ne pas lui réclamer de coller aux standards d'aujourd'hui. De toutes façons, ce genre d'histoire est intemporelle, ou plutôt figée dans une époque aujourd'hui révolue.
Positif
La beauté des décors
Little John !!!
Un personnage féminin réussi
Negatif
Très classique, très cliché, et donc prévisible
Un découpage de l'action assez spécial
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