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Critique de Mishima boys #1

par Tori le dim. 31 janv. 2016 Staff

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Déroutant. C'est le terme qui me semble le mieux définir le titre d'Ōtsuka et Nishikawa. Ce qui marque en premier lieu en ouvrant ce tome (surtout si on a lu Unlucky youngmen avant), c'est la froideur de son dessin. Mais ce dessin si froid correspond parfaitement à ce récit, et ne fait qu'en renforcer cette ambiance sombre (et mélancolique, également, je trouve) qui s'en dégage. Le trait est précis et n'a pas la douceur qu'a le trait de Fujiwara pour Unlucky youngmen (notamment pour les visages), et est beaucoup plus cru. On peut difficilement, d'ailleurs, parler de Mishima boys sans évoquer Unlucky youngmen (les deux séries nous sont présentées comme "jumelles" et Mishima boys s'appelle en japonais "Unlucky youngmen - Coup d'état", en franglais dans le texte), malgré leurs différences. Pourtant, si le scénariste est le même et que le thème est similaire (les bouleversements de l'après-guerre, et notamment pour la jeunesse japonaise font partie des nombreux centres d'intérêts d'Eiji Ōtsuka), la période diffère (la fin des années 60 pour Unlucky youngmen, la fin des années 50 ici), ainsi que la narration, beaucoup moins linéaire ici. Les auteurs s'amusent à brouiller les pistes, et à partir dans plusieurs directions, surtout dans la deuxième partie du volume. Concernant le style, il mêle des aspect du théâtre, du cinéma et de la littérature. On a d'ailleurs, en préambule, une sorte de présentation des personnages, où l'on nous présente K, M, Y, puis un "assistant" et, enfin, Yukio Mishima, qui réfute le terme de metteur en scène... La première partie du volume est consacrée à K, un lycéen d'origine coréenne (son nom coréen est R), qui a assassiné et violé une lycéenne de 16 ans (inspiré de Chin-u Ri, dont le nom japonais était Shizuo Kaneko, qui a aussi inspiré le film La pendaison, de Nagisa Ōshima) et permet nous familiariser un peu avec le rôle de l'assistant. La deuxième partie alterne (et fait se croiser) les histoires consacrées à M (inspiré de Kensetsu Makayama, jeune homme ayant lancé une pierre sur le carrosse impérial le 10 avril 1959) et Y (inspiré de Otoya Yamaguchi), dont on ne voit pour l'instant que le parcours, mais dont le "coup d'état" aura lieu dans le prochain volume (on en a juste quelques "flashes" disséminés ici et là). Et là, l'assistant commence à révéler son rôle (je me demande comment ça évolue dans le prochain tome). Il y a de quoi être un peu destabilisé, à la lecture de ce volume, tant la masse d'informations est importante, surtout si on n'est pas trop au fait des événements de cette époque... Et comme, en plus, les auteurs nous mènent dans plusieurs directions, avec une narration non linéaire et des transitions inexistantes (sans compter les personnages qui n'ont qu'une lettre pour nom, comme dans Unlucky youngmen, ce qui aide à être perdu). Nishikawa est une ancienne élève d'Ōtsuka, et on voit qu'elle tient encore beaucoup de son maître, ce qui est parfait ici, avec cette narration qui rompt avec les codes habituels, et mélange aux codes du manga ceux d'autres média. Elle joue avec les ombres et les contrejours, et l'on est rarement en pleine lumière. C'est clairement un titre à lire en ayant l'esprit bien reposé... Et, je pense qu'il n'obtient toute sa saveur qu'en l'ayant lu plusieurs fois, en attendant quelques jours avant de le relire, afin d'arriver à bien en assimiler toutes les informations. Une préface (bienvenue) d'Eiji Ōtsuka ouvre le volume et permet de situer un peu les protagonistes, et d'avoir quelques clés de lecture (même si c'est assez succinct). De même une postface des traducteurs permet, là aussi, d'y voir un peu plus clair... Mais j'aurais aimé un dossier présentant les différentes affaires dont il est question (peut-être dans le tome 2, afin de ne pas trop en dévoiler sur la suite ?). Même si les auteurs de cette postface nous renvoient, pour un peu plus d'informations, vers notre "encyclopédie participative préférée"... Une bonne surprise que ce tome (je n'avais pas trop lu le synopsis, et pensais donc que ça traiterait des mêmes événements qu'Unlucky youngmen, mais selon un autre point de vue), donc, malgré une certaine difficulté d'accès. Je le conseille donc à ceux qui ont aimé Unlucky youngmen, c'est un bon complément, mais moins facile à aborder. Un petit bémol, cependant : le format, qui semble le même que pour Unlucky youngmen... et est, en fait un poil différent : le volume fait trois millimètres de moins en hauteur, mais trois millimètres de plus en largeur... Un format identique aurait été le bienvenu (bon, on peut tout de même les ranger l'un à côté de l'autre dans la bibliothèque sans que ça choque vraiment, c'est juste dommage d'avoir des dimensions si proches, mais différentes). Quant à la traduction, j'ai trouvé une ou deux phrases un peu étranges (et je ne crois pas avoir relevé de grosse coquille), mais elle m'a paru plutôt bonne, à une phrase près, où le tutoiement et le vouvoiement sont utilisés envers le même personnage (j'ai relu la phrase plusieurs fois pour être sûr de bien comprendre).

En bref

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