Un regard noir, intense, des mèches ébène encadrant son front, un léger rictus pour une drôle d’impression. Qui est cette écolière portant ce doux prénom, Ismahane ? En regardant au fond, sur la couverture, je comprends mieux son absence d’allégresse. Un paysage sans vie, en état d’abandon. On se croirait en période de guerre. Y as-tu grandi ? Dans quelles conditions ? Le trait est gracieux, les dessins réalistes, les encres limpides. Quatre couleurs: brun, noir, jaune, blanc: une histoire passée, une histoire d'un passé, certainement. La violence des premières vignettes illustre parfaitement ce qui va suivre. Nous sommes en 1975, au Liban. Une guerre fratricide, civile éclate. Un fort bon résumé de la situation politique d’alors nous est livré. En 1975, Ismahane a l’insouciance de ses 5 ans. L’auteure alterne 95 pages durant, l’Histoire d’un pays en guerre et celle d’une enfant, les grandes étapes, leurs dates événements. Deux histoires en parallèle, qui se déroulent simultanément. Des textes illustrés pour l’une, des planches pour l’autre. Lorsque le pays se déchire, monte d’un cran dans la violence et le nombre de morts, Ismahane grandit, élevée avec Malek, cousin dont elle est éprise et promise. Cependant, le poids des traditions les empêchent, en vieillissant, de vivre ouvertement leur passion. Mais c’est sans compter sur l’impact de l’Histoire du Liban. L’insécurité grandissante et la non possibilité de poursuivre des études dans un Beyrouth dévasté conduisent Abou-Ali, son père, à envoyer sa fille à Paris, loin des bombes. Elle y sera aussi loin des pressions familiales et y retrouve Malek… Un premier tome sensible imbriquant la grande Histoire et l’histoire intime d’Ismahane. Un premier tome dont la terrible conclusion appelle un second.