Une "résidence fermée" aux Etats-Unis d' Amérique… Des gens riches s'enferment derrière de hauts murs bien à l'abri de des pauvres, protégés par une police privée. Ils vivent en circuit fermé : journal et chaîne de télévision internes, golf, quelques boutiques, hôpital et même une forêt. Tout ce dont ils ont besoin leur est livré chez eux : nourriture, vêtements… armes. Enfants et adolescents y trainent leur ennui et se laissent entraîner dans les délires de l'un d'entre eux. Mépris, racisme, bêtise sont les piliers sur lesquels le drame va se jouer… Pierre Christin a complété ses "Légendes d'Aujourd'hui" avec Alain Mounier au dessin. Il sait parfaitement trouver les failles de notre monde. Ces univers clos où des gens s'enferment de leur plein gré pour se protéger de l'extérieur, des autres, de la racaille, des pauvres… ne sont qu'une dérive ultime et perverse des cités minières ou sidérurgiques du XXe siècle. Ces cités-là n'étaient pas encloses de hautes murailles, mais chacun savait le statut social de l'autre d'après sa rue, son type de logement et ses avantages (jardinier ou chauffeur pour les très hauts postes). Les maitres des mines ou des forges y avaient prévus hôpitaux, écoles,… pour le bien-être des travailleurs; on appelait cela le paternalisme. Mais, avec Heaven's Estate, Christin nous montre des gens qui s'enferment seuls, corps et âmes. Et c'est une vision effrayante même sans une situation aussi dramatique que celle de l'album. Alain Mounier a adopté un style réaliste et froid qui nous fait suivre les personnages avec le recul que l'on a devant un documentaire. Il est difficile d'éprouver une quelconque empathie pour les adultes, mais on en a pour ces jeunes gens abandonnés affectivement par leurs parents… même pour celui par qui le mal arrive. Un très grand album qui mérite d'être lu et relu… et même étudié!