Miles Hyman adapte en BD la nouvelle éponyme de sa grand-mère Shirley Jackson. Dès le début, à travers des pages à seulement deux cases, simples dans leur contenu mais sombre dans leur colorisation, il instille une tension que le lecteur a du mal à comprendre car elle est en total décalage avec la vision représentée, de quiétude d’une ville iconique d’Amérique. Cette séquence voit son apogée dans un simple rond noir, tracé sur un papier plié. Comme aurait pu le dire Prévert, elle est terrible cette vision du rond noir tracé sur un papier plié ; Mais à ce stade, le lecteur ne sait pourquoi il ressent si intensément la dramaturgie de la scène. Ni d’ailleurs pourquoi un petit tas de pierres, disputées par des enfants l’inquiète autant. Dans le dessin, parfois, on a cet impression d’affiche de propagande soviétique de l’ex URSS, avec ces travailleurs et ces femmes en majesté. Vint ensuite une description presque chirurgicale des préparatifs de la loterie, avec des dessins comme des photos anciennes, que le temps a flouté, comme les souvenirs qui s’y rattachent. Alors les images et le temps s’accélère jusqu’à la scène finale, où l’on comprend qu’il ne fait pas bon gagner à cette loterie-là, car quels que soient leurs péchés les villageois n’hésitent pas. Superbe de tension, de densité émotionnelle et évocatrice du dessin, cet ouvrage est à lire, vivre, ressentir, comme un coup de poing graphique et narratif. Et il fait mal d’interrogations lancinantes. Pour qui ? Pourquoi cette nouvelle a-t-elle été réellement écrite ?