Pol Salsedo est un jeune breton, brillant à l'école mais turbulent. Lorsqu'une de ses vannes antisémites vire à la catastrophe, Salsedo n'a d'autre choix que de se réfugier dans l'attraction d'une fête foraine qui va changer sa vie à tout jamais. Le garçon-renard est né. La première chose qui marque à la lecture Fox-Boy, c'est la partie graphique assurée d'une main de maitre par l'auteur Laurent Lefeuvre. Si l'artiste fait souvent référence à Bernie Wrightson dans l'utilisation rigoureuse des ombres, on retrouve aussi les compositions imposantes d'un jeune Alan Davis, tout en grandeur, le trait pêchu et tout aussi expérimentale dans les cadrages (c.f. Captain Britain). L.Lefeuvre ne partage d'ailleurs pas que la forme avec son voisin anglophone, on retrouve aussi ce folklore mystique qui nourrit l'origine du jeune héros. Car si le super-héros américain est le résultat du nucléaire, les acteurs européens préfèrent un fantastique inspiré par les nombreuses légendes qui transpirent de nos régions. En lieu et place d'un renard transgénique qui aurait malencontreusement mordu Pol, ce dernier est initié par un précepteur magique, dans ce cas un gitan, qui le maudit en renard-garou. Si la situation a tout d'une aubaine pour ce jeune m'as-tu-vu, il va très vite découvrir que ces nouveaux talents animaliers sont le début des ennuis. Ils l'obligent à modifier sa perception du monde et donc à questionner son identité. C'est particulièrement frappant dans le thème de l'intégration de ''l'autre'', l'étranger que ce ''Jeune de France''* va apprendre à découvrir, à accepter comme son égal et à respecter comme son ami. Cet autre, c'est Izar, un jeune syrien qui apparaît comme le double complémentaire de Fox-Boy, lui-aussi affecté par l'absence du père mais qui finit par trouver l'équilibre dans son amitié avec Pol. On regrettera d'ailleurs la conclusion un peu formelle de ce premier volume, la grande tragédie qui vient secouer un peu tôt l'insouciance du héros (Daredevil, le Punisher et Batman sont tous passés par là), mais Lefeuvre ne pouvait tout simplement pas échapper à une étape aussi cruciale du genre. Fox-Boy emprunte beaucoup au jeune héros ''type'' de la Marvel (notamment à Spider-Man), même s'il tient plus de l'archétype de la brute comme Flash Thompson, prêt à ridiculiser ceux qu'il considère comme une nuisance, que du génie névrosé à la Peter Parker. L'artiste ne cède pas à la facilité. Il délivre un adolescent résolument contemporain, élevé dans la culture narcissique du XXIème siècle et impacté directement par les sujets sensibles de son époque auxquels il réagit d'abord comme l'extension de la voix de ses parents, jusqu'à son changement (adolescence: état de contestation !). De cette manière, l’auteur parvient non seulement à présenter un super-héros français sans sombrer dans une parodie de comic-book américain, mais aussi à créer un jeune super-héros moderne sans tomber dans le piège de la nostalgie qui semblait pourtant inévitable. Avec Fox-Boy, Laurent Lefeuvre fait démonstration de sa capacité à s'emparer des codes, à rendre hommage aux périodiques d'antan, à reconstituer l'ambiance de sa ville natale, pour aboutir sur une œuvre neuve et sincère. Tout juste pourra-t-on lui reprocher l'absence d'une histoire moteur, d'un fil conducteur qui obligerait le lecteur à attendre impatiemment le deuxième volume, mais l'envie de retrouver le Paotr Louarn est bien plus grande. ________________________________________ * Mouvement antisémite créé en 1941.