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Critique de Les Solitaires

par bulgroz le mer. 26 avril 2017 Staff

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Comme « Secret de famille » (Bill Griffith), paru en septembre 2016, et dont nous avions déjà parlé, « Les solitaires » nous propose une lecture intime de l’histoire des États-Unis au XXème siècle. Hormis ce parti-pris et une certaine filiation graphique toute étatsunienne, les deux titres n’ont qu’un point commun supplémentaire : celui d’avoir été choisis par l’éditeur Delcourt, pour figurer au catalogue de la collection « Outsider », qui se fixe comme objectif de nous permettre, à nous lecteurs francophones, de (re)découvrir des auteurs américains indépendants. Tim Lane, l’auteur du titre qui nous intéresse, n’est pas un nouveau venu chez Delcourt puisqu’avait déjà été publié en 2009 « Noir c’est noir », qui avait reçu un accueil très positif. Les lecteurs de magazines de BD plus ou moins underground connaissent également Tim Lane qui voit certaines de ses histoires publiées, régulièrement dans Aaarg! par exemple. Dans « Les Solitaires », l’auteur fait ce qu’il sait faire de mieux : des histoires courtes et très crues dans lesquelles se mêlent mystère, misère et poésie. Si ici les faits relatés ne sont pas à proprement parler « personnels », la galerie de personnages qu’il nous présente nous montre sa connaissance et son attachement aux personnages atypiques et fascinants qui ont façonné, à leur manière, les États-Unis en coulisse. Il nous dévoile un récit alternatif du rêve américain, une histoire contemporaine des laissés pour compte qui depuis quelques années maintenant, commence à traverser l’Atlantique et à être accessible au grand public européen via les productions cinématographiques ou littéraires. Le récit qu’il nous fait ici n’est pas linéaire, et chaque histoire a son identité propre. Le Tim Lane dessinateur est passé maître dans l’utilisation du noir et blanc : il joue avec les textures, passe des aplats très contrastés aux hachures délicates, il utilise des formats très différents (de nombreuses pages doivent être dépliées) et la composition des planches est radicalement variable. C’est une œuvre graphiquement plutôt exigeante mais fascinante tant elle fait prendre conscience des possibilités infinies du noir et blanc. Les amateurs et les dessinateurs en herbe adoreront. Le dessin n’est pas le seul domaine dans lequel l’auteur excelle : le Tim Lane scénariste nous offre ici une véritable masterclass en matière de narration. En alternant planches « classiques » type gaufrier, longs textes, passages théâtraux et bien d’autres expériences… il réalise une véritable déclaration d’amour à la bande dessinée en démontrant une bonne fois pour toutes, que hiérarchiser texte et image n’a aucun sens pour le 9eme art. Ici, l’expression « art séquentiel » utilisée par Will Eisner en 1985 pour définir le genre « comics », prend son plein sens ; et la définition de Scott McCloud bien plus encore. Selon lui (et bien qu’il soit insatisfait de sa définition), la bande dessinée se définit par l’utilisation d’« images picturales et autres, volontairement juxtaposées en séquences, destinées à transmettre des informations et/ou à provoquer une réaction esthétique chez le lecteur ». Tim Lane est sans aucun doute ceinture noire (très noire) en termes de juxtaposition de séquences, quant à la réaction esthétique… Qu’elle soit positive ou négative, elle ne manquera pas de vous sauter au visage ! Sans parler de la quantité d’informations qui nous sont transmises. Vous l’aurez compris, « Les Solitaires » est un vrai coup de cœur. Ce n’est évidemment pas une œuvre à lire d’un trait, sa lecture doit être fractionnée - sa nature même nous y invite – et il vaut mieux être en forme pour s’y frotter : moralement, car le contenu n’est pas vraiment réconfortant ; physiquement, car mine de rien elle pèse assez lourd et doit être tournée dans tous les sens, ce que ne favorisent pas vraiment ni sa couverture souple, ni la petitesse de certaines planches. Ces deux points formeront pour moi les seuls bémols de « Les Solitaires » par Delcourt, une BD vendue 30 €, et qui franchement, les vaut largement. Amateurs.trices de comics intelligents, réalistes et politiquement incorrects dont la forme et le fond témoigne d’une intense réflexion, foncez !

En bref

Comme « Secret de famille » (Bill Griffith), paru en septembre 2016, et dont nous avions déjà parlé, « Les solitaires » nous propose une lecture intime de l’histoire des États-Unis au XXème siècle. Hormis ce parti-pris et une certaine filiation graphique toute étatsunienne, les deux titres n’ont qu’un point commun supplémentaire : celui d’avoir été choisis par l’éditeur Delcourt, pour figurer au catalogue de la collection « Outsider », qui se fixe comme objectif de nous permettre, à nous lecteurs francophones, de (re)découvrir des auteurs américains indépendants. Tim Lane, l’auteur du titre qui nous intéresse, n’est pas un nouveau venu chez Delcourt puisqu’avait déjà été publié en 2009 « Noir c’est noir », qui avait reçu un accueil très positif. Les lecteurs de magazines de BD plus ou moins underground connaissent également Tim Lane qui voit certaines de ses histoires publiées, régulièrement dans Aaarg! par exemple. Dans « Les Solitaires », l’auteur fait ce qu’il sait faire de mieux : des histoires courtes et très crues dans lesquelles se mêlent mystère, misère et poésie. Si ici les faits relatés ne sont pas à proprement parler « personnels », la galerie de personnages qu’il nous présente nous montre sa connaissance et son attachement aux personnages atypiques et fascinants qui ont façonné, à leur manière, les États-Unis en coulisse. Il nous dévoile un récit alternatif du rêve américain, une histoire contemporaine des laissés pour compte qui depuis quelques années maintenant, commence à traverser l’Atlantique et à être accessible au grand public européen via les productions cinématographiques ou littéraires. Le récit qu’il nous fait ici n’est pas linéaire, et chaque histoire a son identité propre. Le Tim Lane dessinateur est passé maître dans l’utilisation du noir et blanc : il joue avec les textures, passe des aplats très contrastés aux hachures délicates, il utilise des formats très différents (de nombreuses pages doivent être dépliées) et la composition des planches est radicalement variable. C’est une œuvre graphiquement plutôt exigeante mais fascinante tant elle fait prendre conscience des possibilités infinies du noir et blanc. Les amateurs et les dessinateurs en herbe adoreront. Le dessin n’est pas le seul domaine dans lequel l’auteur excelle : le Tim Lane scénariste nous offre ici une véritable masterclass en matière de narration. En alternant planches « classiques » type gaufrier, longs textes, passages théâtraux et bien d’autres expériences… il réalise une véritable déclaration d’amour à la bande dessinée en démontrant une bonne fois pour toutes, que hiérarchiser texte et image n’a aucun sens pour le 9eme art. Ici, l’expression « art séquentiel » utilisée par Will Eisner en 1985 pour définir le genre « comics », prend son plein sens ; et la définition de Scott McCloud bien plus encore. Selon lui (et bien qu’il soit insatisfait de sa définition), la bande dessinée se définit par l’utilisation d’« images picturales et autres, volontairement juxtaposées en séquences, destinées à transmettre des informations et/ou à provoquer une réaction esthétique chez le lecteur ». Tim Lane est sans aucun doute ceinture noire (très noire) en termes de juxtaposition de séquences, quant à la réaction esthétique… Qu’elle soit positive ou négative, elle ne manquera pas de vous sauter au visage ! Sans parler de la quantité d’informations qui nous sont transmises. Vous l’aurez compris, « Les Solitaires » est un vrai coup de cœur. Ce n’est évidemment pas une œuvre à lire d’un trait, sa lecture doit être fractionnée - sa nature même nous y invite – et il vaut mieux être en forme pour s’y frotter : moralement, car le contenu n’est pas vraiment réconfortant ; physiquement, car mine de rien elle pèse assez lourd et doit être tournée dans tous les sens, ce que ne favorisent pas vraiment ni sa couverture souple, ni la petitesse de certaines planches. Ces deux points formeront pour moi les seuls bémols de « Les Solitaires » par Delcourt, une BD vendue 30 €, et qui franchement, les vaut largement. Amateurs.trices de comics intelligents, réalistes et politiquement incorrects dont la forme et le fond témoigne d’une intense réflexion, foncez !

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