Imaginez un monde composé de vastes plaines irrespirables et dominé par le Beffroi : une gigantesque cité ou s’entassent cinq cent mille habitants, une sorte de Mont St-Michel de l’enfer divisé en niveaux extrêmement hiérarchisés : du niveau zéro, à partir duquel se font les entrées et les sorties dans la ville, au niveau quarante et un.
Au-delà se trouvent les dix niveaux supérieurs du « clocher » où vivent les aristocrates, dirigeant la cité tout à fait verticalement, au sens propre comme figuré.
On le comprend assez facilement, la répartition par niveaux de la population est une métaphore peu originale – mais efficace - de la composition par classes de cette dernière.
La société présentée dans Le Beffroi repose donc sur de multiples inégalités et dominations. Côté humain, il y a celles et ceux qui vivent dans le Beffroi, et les Zoarims, un groupe rebelle fringué à la Fallout, vivant dans les plaines et pourchassant les mutants appelés également « Sculptés » ou « Déviants ».
Ces Sculptés (a priori non-humains, donc) on ne saura jamais trop d’où ils viennent… mais il en existe plusieurs espèces, vivant pour la plupart dans les plaines et soumises à un système féodal leur enjoignant de payer tribut et de jurer fidélité au Beffroi régulièrement.
Les quelques Sculptés vivants au sein du Beffroi vivent dans les niveaux inférieurs et sont victimes de persécutions et brimades en tous genres.
Voilà en quelques lignes l’univers dans lequel prendra place l’intrigue à l’œuvre dans Le Beffroi, une œuvre particulièrement ambitieuse proposée par Simon Spurrier (Crossed) au scénario.
Au-delà de la critique du racisme, des inégalités voire la promotion d’une certaine forme de lutte des classes, les auteurs ont voulu créer un univers extrêmement développé en empruntant des codes esthétiques et narratifs aux récits médiévaux, cyberpunk, super-héroïques, de science-fiction, de heroic-fantasy etc. Sans oublier une bonne dose de fun, ce qui conduit à un mélange étonnamment réussi.
Entamez cette bande-dessinée en sachant qu’aucun élément explicatif ne viendra vous éclairer avant un certain temps, ajoutez à cela une pincée de flashbacks ainsi que des transitions très rapides entre les personnages… en clair : il faut accepter de lire ce comic-book sans y comprendre grand-chose au début. Au-delà, l’intrigue se fait de plus en plus claire et jusqu’aux coups de théâtre finaux – et un peu faciles -, on prend un certain plaisir à se faire trimballer entre les différents rebondissements alambiqués.
Je ne traiterai pas plus en détail l’intrigue, car il me faudrait dévoiler un certain nombre d’éléments volontairement éparpillés par les auteurs dans l’œuvre…
Côté dessins, je dois bien avouer être extrêmement partagé.
En voyant la très belle couverture, et de manière générale, le bel objet proposé par les éditions Akileos, je m’attendais à un graphisme un petit peu plus fouillé et comportant davantage de détails. Les dessins de Jeff Stokely (que je découvre ici) sont réussis, mais sur certaines planches, semblent manquer de finesse. Ça c’est pour les points négatifs. Pour contrebalancer cette critique, j’ai trouvé la composition des planches et la disposition des cases extrêmement réussies, oscillant entre classicisme old school et innovations risquées mais fonctionnant à merveille car parfaitement dosées. Je n’en dis pas plus…
En résumé, Le Beffroi est un comic-book plutôt réussi, qui ravira les geeks et autres fans de récit de quêtes, de donjon etc.
C’est toutefois une œuvre un peu trop ambitieuse, dans le sens où les auteurs ont voulu aborder, à mon sens, beaucoup trop de thématiques sociétales en trop peu de pages (xénophobie, fascisme, homosexualité etc.)
Ce qui n’est pas du tout justifié par l’intrigue, qui, une fois décryptée, se révèle un peu décevante et facile.
Le Beffroi aurait été un excellent comic-book si les auteurs avaient revu leurs ambitions un peu à la baisse, ou si la bande dessinée comportait un tome de plus, afin de développer toutes les intrigues et de prendre le temps de développer cet univers très prometteur.
En bref
8
bulgroz
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