« Eden » = lieu ou Dieu a placé l'homme, la femme, une profusion d'animaux et de végétaux dans le but de les nourrir, ainsi que l'arbre de connaissance. Synonyme = paradis terrestre. « Eden » d’Hiroki Endo = manga loin du paradis terrestre… très loin ! « Eden » d’Hiroki Endo c’est un récit cru, authentique, sans fioritures, sans concessions. Le graphisme, certains l’on déjà dit, est fin et détaillé, et son réalisme nous met parfois à rude épreuve, mais son apport à l’œuvre n’est rien en comparaison de ses autres atouts. Tout d’abord, une narration impeccable : celle-ci ne souffre d’aucun temps mort et mélange à merveille éclairages passés, flashbacks, souvenirs et actions simultanées. Il en ressort un rythme soutenu qui sait se ménager des zones d’ombres et de pauses pour développer le suspense du moment, les rebondissements à venir ou les digressions futures qui viendront éclairer l’histoire. Ensuite, un scénario sombre et complexe : là, comme je le disais plus haut, pas question de faire dans la dentelle. Chaque personnage a sa propre histoire. Le plus souvent une histoire teintée de gris mais pas de ce gris uniforme qui rend encore trop facile la dichotomie bien/mal, non de ce gris aux milles nuances, changeantes, trompeuses, qui nous touche au plus profond de nôtre être tout simplement car l’on sait que c’est lui qui caractérise le mieux la couleur de l’humanité. Viens aussi, l’univers. Celui-ci, bien que futuriste, sait se mélanger à notre réalité d’une part grâce à ces nombreux flashbacks qui permettent de lier les deux époques et d’autres part grâce à son réalisme et sa vraisemblance. Ici, pas de superpouvoirs ou de coups invraisemblables, non juste la description d’hommes (d’exception ou non) et de couches politiques et socio-économiques imbriquées les unes dans les autres en un gigantesque puzzle dont on nous livre avec délectation, les pièces, les unes après les autres. Enfin, par delà ces destins croisés, « Eden » nous offre une réflexion profonde sur les concepts d’Humanité, de Dieu, de Bien, de Mal, de Péché et de Rédemption. La réflexion est progressive, et si elle peut sembler, de prime abord, cousue de fil blanc, on s’aperçoit bien vite qu’elle se garde quelques beaux effets de manche qui viendront ébranler les a priori les mieux ancrés. L’histoire, vous l’aurez compris, croise à la jonction d’océans tel que « Akira », « Ghost in the shell » et biens d’autres grands noms du manga. Encore !

Sciaphile