LE COIN DES HISTOIRES COURTES : X-Factor 87

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X-Factor #87 (février 1993)
X-Aminations
scénario: Peter David
dessin: Joe Quesada
encrage: Al Milgrom



En parallèle de sa reprise de la série Hulk et du lancement du meilleur titre de la gamme 2099, Peter David reprend avec succès la série X-Factor, en injectant comme à son habitude pas mal d’humour et un style d’écriture feuilletonesque, sur ce plan PaD fait partie de ceux qui on su le mieux gérer cet héritage du sub-plot de Claremont sur les séries des mutants, et plus largement l’aspect Soap Opera de la franchise.


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Sa reprise du titre est pour lui l'occasion d'apporter une bonne dose de fun, de dramaturgie, d’humour référentiel et d’inventivité (la création du personnage de Rhapsody, une mutante capable de contrôler les autres via la musique, une idée assez originale avec un certain potentiel visuel).

Cette période se distingue fortement de la précédente, l'équipe étant au départ constituée de la première mouture des X-Men, par l'utilisation de personnages secondaires pour la plupart, un groupe de seconds couteaux en somme, avec lesquels il a eu du coup une plus grande marge de manoeuvre, pour finir par les rendre tout aussi intéressants que les personnages plus populaires, réussissant à créer des interactions réussies entre eux et à les rendre attachants, en particulier le trio Jamie/Rahne/Guido qu’il a ensuite réutilisé dans son second run, qui est encore meilleur que le précédent je trouve.
Pour reprendre l’adage de Moore, il n’y a pas de mauvais personnages, il n’y a que des mauvais scénaristes, et cela PaD l’a prouvé avec ses divers runs, et notamment son appropriation du personnage de Shatterstar, créé à la base par Liefeld, comme quoi il sont tous susceptibles d’être sauvés à un moment ou à un autre, ou encore Layla Miller qui grâce au scénariste est devenue un des meilleurs personnages féminins de l’éditeur, alors qu’au départ ce n’était guère qu’un gimmick made in Bendis tendance deus ex machina mutant.


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Durant cette période, le groupe a un statut d'équipe gouvernementale menée par l’agent de liaison du gouvernement Val Cooper, dont le premier essai était loin d’être satisfaisant (Freedom Force l’équipe de renégats de Mystique).
Suite à un événement jugé traumatisant, afin d’évaluer les éventuels traumatismes, l’équipe se retrouve obligée de participer à une séance avec un psychiatre (dont l’identité n’est révélé qu’à la fin).

Apparemment agacé par les contraintes des tie-in récurrents des crossovers mutants et de devoir dépendre des dessinateurs stars, David décide de prendre un peu de recul par rapport à tout cela et de se consacrer à ses personnages, ce qui constitue une pause entre deux sagas ou plutôt ce qu'il considère comme étant des interruptions fâcheuses (un des épisodes du crossover X-Cutioner’s Song est symptomatique de cela puisque il est exclusivement concentré sur le trio Logan/Cable/Bishop tandis que le casting habituel est relégué à faire de la figuration).
Cet épisode peut ainsi être vu comme étant une réaction à ce qui a précédé (au propre comme au figuré vu que certains étaient choqués à propos des événements qui impliquaient X-Force et la tentative d’assassinat du professeur Xavier) de la part de PaD qui commence à en avoir assez de ces contingences éditoriales, et qui décide de s’en tenir exclusivement à son groupe de personnages, afin d’explorer leurs parcours respectifs et parfois d’amener un nouvel élément qui permet de mieux comprendre pourquoi ils ont ces problèmes.

Peter David se sert de cette séance de thérapie pour alterner les divers entretiens, une structure narrative qu’il reprendra dans une suite tardive lors de son second run, avec un autre épisode du même genre tout aussi réussi, ce qui permet de se focaliser sur la dimension psychologique, l’occasion de se concentrer sur la caractérisation et l’étude de leurs personnalités respectives.
Ce choix audacieux révèle la nature fondamentalement plus character driven de cet épisode moins porté sur l’action pure, qui montre également l'aisance du scénariste dans les scènes plus calmes, les intermèdes plus intimistes, et dans la gestion de la dramaturgie qui se base sur la connaissance de la continuité et sur certains approfondissements et réinventions, qui se révèlent tous pertinents car ils apportent une impression de complicité et de compréhension des personnages, permettant ainsi de leur donner une profondeur supplémentaire, ce qui fait que les lecteurs se soucient de leur sort.



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Chaques membres de l'équipe a ses propres problèmes à gérer, que ce soit Madrox et sa crainte de la solitude, Havok et ses doutes sur son rôle de leader, Lorna qui n’assume pas toujours son physique, Guido qui essaye de masquer sa douleur constante avec son humour, ou encore Rahne et sa recherche d'affection et de reconnaissance auprès de diverses figures d'autorité, ce dont elle a manqué dans sa jeunesse (ce qui explique peut-être son béguin pour Alex).
Rétrospectivement il est assez drôle de voir Polaris assumer son physique en dévoilant au psychiatre son nouveau look très connoté 90's, je ne sais pas si Quesada en est responsable mais en tout cas il n’est pas terrible, le design de Steranko reste décidément encore inégalé.

Dans le lot il y a une scène en particulier se distingue des autres, et c’est celle qui détaille la condition particulière de Pietro.
Pendant la même période Waid reprend la série Flash avec succès, en se démarquant par une volonté d’aller au bout du potentiel des capacités du bolide avec en particulier la création du concept de la Speed Force.
PaD quant à lui, choisi une autre option concernant les implications d’un tel pouvoir, avec l’idée qu’il voit tout d’un tout autre point de vue, que sa perception de choses et bien différente car liée à sa vitesse, ce qui provoque une situation frustrante, voire infernale, expliquant ainsi le fait que son comportement est lié à une impression généralisée et ce pourquoi il est si désagréable et arrogant.
Ce retournement de situation s'avère assez brillant dans son genre, vu qu'il apporte un nouvel éclairage sur son comportement et sa mentalité, une approche vraiment innovante qui permet de montrer le personnage sous un autre jour, de le rendre plus sympathique en exposant son calvaire et d’expliquer en partie son attitude au fil des ans.
Depuis son casier chargé n'a cessé de s'élargir et je doute que l'explication de la nature de ses pouvoirs suffise à le dédouaner dorénavant.


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L’avantage de ce genre d’histoires, c’est que cela permet d’éviter les excès graphiques liés au début des années 90, avec un storytelling plus sobre qu’à l’accoutumé, sans splash pages et musculatures énormes, sauf à un moment, mais cela est logique vu le gabarit de Strong Guy.
Visuellement un épisode sans action et basé sur des dialogues est plutôt délicat à gérer, mais Quesada arrive à s’en sortir, qu’il s’agisse de l’utilisation des ombres, de l’expressivité ou encore du dynamisme des scènes de transitions.
Le futur éditeur et rédacteur en chef arrive alors à prendre la relève de Stroman, grâce à son style encore dans la lignée de Mignola/Kelley Jones et sa capacité de mimétisme (l’intro avec la parodie de Ren & Stimpy issue du rêve de Wolfsbane).
Il faut dire qu'il est bien aidé par Al Milgrom, un excellent encreur à défaut d'être un grand dessinateur, encore que il se débrouillait tout de même pas mal dans ce domaine (je garde un bon souvenir d’un de ses arcs de Captain Marvel avec la Légion lunatique et le procès de Uatu le Gardien, ce qui doit donc correspondre aux épisodes encrés par Janson).

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"They’re normal, Ms.Cooper. They’re refreshingly human."

Cette phrase prononcée à la fin de l’épisode résume parfaitement la qualité d’écriture et la propension du scénariste à approfondir les personnages pour ne pas faire d'eux des figures unidimensionnelles, ce qui participe à renforcer la caractérisation de ce groupe remplis de fortes individualités, faillibles, vulnérables, mais tellement plus attachants que des montagnes de muscles comme Cable ou Bishop, pourtant bien plus vendeurs durant cette période des dessinateurs stars.

Source:

Article rédigé par Marko

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