Chronique : Dragon's crown

Juste après la sortie d'Odin Sphere Leifthrasir, voilà que Kurokawa nous offre l'adaptation manga de Dragon's Crown, un autre des chefs d’œuvre de Vanillaware, juste au moment où celui-ci disparaît momentanément du PlaystationStore européen pour une question de licence. Avouez que pour ceux qui, intrigués par le manga, voudraient découvrir le jeu dans la foulée, c'est quand même pas de bol. Une infortune que ne pouvait malheureusement pas prévoir Kurokawa...

Il y a donc deux façons de lire Dragon's Crown : la première, en tant qu'adaptation du jeu ; la seconde, en tant que manga d'heroic-fantasy. Et force est de constater qu'il est difficile d'être objectif à partir du moment où l'on connaît le support d'origine...

En tant qu'adaptation donc, Dragon's Crown réussit haut la main le pari de restituer sur papier l'atmosphère du jeu dont il est issu, et ce, même si le côté contemplatif dû aux merveilleux décors de celui-ci disparaît totalement. On reconnaît les lieux, certes, mais on a rarement l'occasion de les voir en détail sur plus d'une ou deux cases ; en effet, la narration est rapide, très rapide... expédiée, même, et l'on a bien trop souvent l'impression que les héros poussent la porte du donjon pour tomber directement sur le boss de fin. L'inconvénient d'avoir voulu caser tout le contenu du jeu dans seulement deux tomes... A ce sujet, il m'a semblé que l'ordre de visite des donjons était un peu différent, mais je ne saurais en être sûre, n'ayant pas retouché au jeu depuis un moment.
Bref, pour qui connaît l'univers, l'aspect « porte-monstre-boss » version condensée ne devrait pas gêner outre mesure. Pour les néophytes en revanche, on tient là le plus gros défaut de cette adaptation manga, pouvant être résumée à un enchaînement de combats après quelques cases de parlotte, sans la moindre dimension d'aventure ou d'exploration.
 

 © yuztan 2014 © ATLUS © SEGA All rights reserved


Les combats, parlons-en, car malgré leur omniprésence, leur intérêt est souvent anecdotique. Si l'auteur a eu la bonne idée de toujours renouveler la composition de l'équipe d'aventuriers, formée de quatre membres sur les six que compte le groupe, et de plutôt bien exploiter leurs capacités lors des affrontements, le côté très rapide et souvent graphiquement brouillon de ceux-ci a tôt fait d'annihiler tout plaisir de lecture.

On ne lira pas non plus Dragon's Crown pour la complexité de son scénario, celui-ci se révélant pour ainsi dire absent. Un vague fil rouge justifie les incursions de la petite troupe en milieux hostiles, mais l'accent n'est clairement pas mis là-dessus.

Alors, que reste-il qui fasse de Dragon's Crown un très plaisant moment de lecture ? Eh bien, les personnages, pardi ! Là où ceux-ci n'étaient que des anonymes sans histoire ni personnalité dans le jeu, Yuztan réussit le tour de force de leur donner une épaisseur, les rendre incroyablement vivants, et ce, à partir de rien. Ils n'ont toujours pas de nom, pour ainsi dire pas d'histoire, mais ne manquent vraiment plus de traits de caractère ! Dès les premières pages, Dragon's Crown prend un aspect très « tranche de vie version heroic-fantasy », où l'on suit avec plaisir ces inconnus apprendre à faire équipe, puis interagir les uns avec les autres. Pour qui a joué au jeu, c'est une totale redécouverte, sans aucun sentiment de trahison du support d'origine, bien au contraire. Et si l'on n'aurait sans doute pas imaginé l'amazone avec un caractère aussi girly, le résultat fonctionne très bien, et les autres héros sont une copie carbone de l'idée que l'on pouvait s'en être faite.
Pour qui a déjà fait une partie de jeu de rôle papier (ce à quoi le jeu d'origine faisait déjà référence, notamment de par la voix du narrateur s'adressant directement au joueur), les courtes discussions parfois totalement hors de propos des personnages paraîtront d'autant plus authentiques !
Yuztan n'a pas non plus négligé les personnages secondaires : Lucain, Samuel et Morgane (entre autres!) n'ont pas été oubliés. Chaque lecteur ayant auparavant joué à Dragon's Crown retrouvera probablement son personnage secondaire préféré dans cette adaptation papier ! Et que dire de Rannie, totalement absent dans les premiers chapitres, mais qui a, par la suite, plus que droit à son heure de gloire ? Pour moi qui aime beaucoup ce perso, ç'a été la cerise sur le gâteau.


© yuztan 2014 © ATLUS © SEGA All rights reserved


Sur le plan graphique, en dehors du côté brouillon des combats évoqué plus haut, il n'y absolument rien d'autre à redire : non seulement le trait de Yuztan se veut très fidèle au chara-design d'origine, mais aussi expressif et dynamique, capable de proposer des angles de vue sortant de l'ordinaire.
On n'oubliera pas non plus un aspect fan-service non négligeable, mais toujours très soft et bien intégré, et qui, pour une fois, ne concerne pas seulement les personnages féminins ! (Soulevez la jaquette et jetez un œil sur la quatrième de couverture, vous m'en direz des nouvelles ;) )

Notons d'ailleurs la présence de fiches consacrées à chaque personnage, de quatre illustrations intérieures en noir et blanc + les deux sous la jaquette, le croquis bonus du premier anniversaire et pas moins de huit pages couleur sur papier glacé, additionnés à des dorures du plus bel effet sur la jaquette, et vous comprendrez que niveau édition, Kurokawa s'est défoncé pour faire de cette édition double du manga Dragon's Crown un très bel objet qui vaut très largement ses douze euros. Évidemment, l'impression et la reliure sont nickels.


Bref, si Dragon's Crown pêche sur certains aspects, il n'en reste pas moins un petit coup de cœur personnel.

Là où le bât blesse, c'est que le néophyte aura infiniment moins de chances d'être séduit que le vieux briscard, le manga étant, en tant que tel, un titre de fantasy sympathique mais perfectible, et surtout oubliable, auquel il serait toutefois dommage de ne pas laisser sa chance.

Impossible donc d'accorder une note en toute objectivité, le titre ne valant pas plus de 6 pour le profane, mais 7 voire 8 dans le cas contraire. D'où le 6 + coup de cœur.

Dragon's Crown n'est clairement pas le manga de fantasy du siècle, mais s'avère être une excellente adaptation !

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