Retour vers le passé : Silent Running (1972)

 

REALISATEUR

Douglas Trumbull

SCENARISTES

Deric Washburn, Steven Bochco et Michael Cimino (et Douglas Trumbull sans être crédité)

DISTRIBUTION

Bruce Dern, Cliff Potts, Ron Rifkin, Jesse Vint…

INFOS

Long métrage américain
Genre : science-fiction
Année de production : 1972

Les premières images de Silent Running sont bucoliques. La caméra s’attarde sur de la végétation, des animaux qui gambadent, une étendue d’eau dans laquelle un homme est en train de se baigner. Et c’est là que le spectateur se rend compte que cette scène ne se passe pas sur Terre. Car dans ce futur indéterminé, les actions des hommes ont condamné la végétation. Un “programme de la dernière chance” a alors été mis en place : dans d’immenses dômes portés par des vaisseaux cargos, de véritables forêts ont été recrées, avec de nombreuses espèces qui ont pu être sauvées dans l’espoir de tout replanter sur Terre quand les choses iront mieux…

Sur l’un de ces vaisseaux, Freeman (l’Homme Libre en français…ce qui n’est bien évidemment pas innocent) Lowell est le botaniste qui s’occupe des plantations. Lowell est un passionné, amoureux de la nature et des bienfaits qu’elle prodigue, et on peut même le comparer à un "baba cool’ avec sa tunique et ses longs cheveux. Ses compagnons de voyage n’attendent eux qu’une chose : rentrer chez eux. Ils sont habitués à la nourriture de synthèse (qui n’a aucun goût pour Lowell), remplissent mécaniquement leurs tâches et tuent le temps en jouant au poker et au billard. La caractérisation est intéressante et souligne les différences de points de vue entre les trois hommes et celui qu’ils prennent souvent pour un rêveur, loin des réalités de la vie terrestre à laquelle ils se sont habitués.

 

 

Un jour, une nouvelle leur parvient : faute de budget, le programme est abandonné. Les vaisseaux reçoivent alors l’ordre d’éjecter les dômes et de les détruire avant de rentrer pour une réaffectation commerciale. Souvent cantonné dans les rôles de méchants (comme dans les productions de Roger Corman), Bruce Dern livre une prestation fascinante et subtile en idéaliste dont la raison va basculer suite à la destruction méthodique des dômes. Alors qu’il n’en reste plus qu’un, il décide de se débarrasser de ses compagnons et prétexte une avarie avant de dériver dans l’espace, dans une sorte de “course silencieuse” (le “Silent Running”du titre).

Malgré son geste, Lowell n’est pas présenté comme un monstre. Accablé de solitude, ses actes vont commencer à peser sur son esprit fragilisé. Il va alors chercher de la compagnie auprès des trois drones de maintenance qu’il va reprogrammer et surnommer Roger, Louis et P’tit Louis (la V.F. perd la référence, car dans la version originale Lowell les appelle Huey, Dewey et Louie, comme les neveux de Donald, Riri, Fifi et Loulou).
Ces trois drones, précurseurs de personnages comme R2-D2 et Wall-E, sont de magnifiques créations (manipulées par des personnes amputées) de Douglas Trumbull qui arrivent à faire passer de l’émotion sans recourir à l’anthropomorphisation. Et c’est une réussite, avec des moments très touchants (je pense notamment à la très belle scène finale)…

 

 

Silent Running est le premier long métrage réalisé par Douglas Trumbull, magicien des effets spéciaux qui venait de passer plusieurs années à travailler sur 2001, L’Odyssée de l’Espace de Stanley Kubrick. Trumbull a profité d’une occasion assez rare pour un metteur en scène débutant travaillant pour un grand studio. Suite au succès d’Easy Rider, le paysage cinématographique américain a commencé à changer et Universal a décidé de produire 5 films pour à peine 1 million de dollars chacun et de laisser carte blanche aux auteurs qui ont eu le montage final. Les moyens étaient donc limités, ce qui n’a pas affecté la qualité des décors et des maquettes…

Avec ses co-scénaristes, dont un Michael Cimino (Voyage au bout de l’Enfer) alors débutant et Steven Bochco (futur grand créateur de séries télévisées), Douglas Trumbull est passé du thème de la rencontre extraterrestre à un récit centré sur les questions environnementales, faisant de son film l’un des représentants de ce courant du cinéma de genre qui s’est nourri des peurs de la fin des années 60 et du début des années 70 (liées notamment à l’explosion démographique, l’épuisement des ressources naturelles…bon, plus les choses changent, plus elles restent les mêmes, comme dirait Snake Plissken).

Porté par la musique de Peter Schikele et les chansons de Joan Baez, Silent Running est une méditation mélancolique au message fort, plus drame humain qu’odyssée spatiale…

Mais tu sais ce qui a disparu ? La beauté… Il n’y a plus d’imagination, de frontières à conquérir et tu sais pourquoi ? Pour une seule raison. L’attitude même que vous avez ici aujourd’hui ! C’est-à-dire : tout le monde s’en fiche !

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