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Critique de Blanc autour

par ginevra le sam. 13 févr. 2021 Staff

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Un fait historique aux échos encore vivaces à notre époque

C'est l'histoire de Prudence Crandall, une institutrice du Connecticut, qui, en 1832, décide d'ouvrir une école réservée aux jeunes filles noires après avoir accueilli des jeunes filles blanches. Mais son voisinage, qui la respectait et l'appréciait quand son école était "blanche", n'aime pas du tout ces nouvelles élèves. Et, petit à petit, le racisme ambiant se réveille et l'institutrice et ses élèves sont rejetées par la communauté de la ville. Jusqu'au drame final quand une bande d'excités vient tout casser et brûler l'école.

Quel choc! Les graphismes doux de Stéphane Fert évitent le côté pathos qu'aurait pu engendrer une telle histoire. Le scénario de Wilfrid Lupano colle à la réalité des faits en imaginant comment étaient les jeunes filles de l'école. Il faut dire que les évènements racontés ont eu lieu 1 an après la révolte d'esclaves menée par Nat Turner en Virginie. Et que la crainte de voir des noirs sachant lire et écrire faisait imaginer le pire.

L'avant-propos (de Wilfrid Lupano?) situe le contexte. Mais il faut absolument lire l'intéressante postface de Joanie DiMartino, conservatrice du musée Prudence Crandall, qui parle de ce que sont devenues quelques-unes des élèves de l'école. Nombre de ces jeunes filles sont devenues des militantes de l'abolitionnisme (de l'esclavage) et/ou des professeures. J'ai découvert beaucoup de choses dans cette postface dont l'existence d'un réseau de prise en charge des esclaves évadés du Sud jusqu'au Canada nommé le chemin de fer clandestin ("The Underground Railroad"). Plusieurs ex-élèves de Prudence Crandall avaient fait de leurs maisons des étapes de ce réseau.

Mais il faut surtout ne pas assombrir le tableau en pensant que cela n'arrivait qu'aux États-Unis. L'Europe de la même époque oscillait entre persistance de l'esclavage et abolition selon les pays. Il a fallu attendre 1848 en France pour une abolition définitive. Comme le dit l'enfant sauvage du livre "Gavez-vous du monde des blancs! À la fin, vous serez toujours aussi noires!" Les évènements dramatiques, qui se déroulent un peu partout dans le monde au XXIe siècle, confirment que la couleur de peau est toujours entourée de la même aura de méfiance et parfois de peur que dans le passé. Les tentatives d'émigration vers les pays "riches" ont, hélas, rappelé que l'esclavage existe toujours dans de nombreux pays même si officiellement il n'existe plus.

L'Europe de l'époque des faits n'était pas tendre avec les pauvres quelles que soient leurs couleurs de peaux. Les enfants de la bourgeoisie avaient le droit à l'éducation bien que, parfois, celle des filles était plus que limitée pour en faire de "bonnes" épouse et mères. Mais les enfants de la campagne étaient souvent une main d'œuvre gratuite pour les familles ou ramenant quelques sous comme journaliers. L'éducation y était considérée comme un luxe. Rappelons-nous les livres de Zola comme "Germinal" où les enfants travaillaient très tôt à la mine ou dans les ateliers plus de 50 ans après les faits racontés dans le livre.

Pardon pour les digressions de cet avis, mais je crois qu'il serait trop simple de lire cet album en pensant "C'était aux États-Unis!" en oubliant ce qui se passait ailleurs.

Un grand album qui mérite sa place dans toutes les médiathèques du monde pour susciter réflexions sur les faits d'autrefois et de maintenant.

En bref

Un grand album qui raconte sans l'édulcorer un fait historique. Les dessins de Stéphane Fert permettent d'accéder sans pathos au scénario de Wilfrid Lupano. Un album indispensable!

9
Positif

dessins doux mettant de l'humour dans des faits plutôt sombres

scénario respectueux des faits

personnage central lumineux

postface passionnante

Negatif

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