Critique de L'arabe du futur - Une jeunesse au Moyen-Orient (1978-2011) #2
par MassLunar le mar. 28 sept. 2021 Staff
Rédiger une critiqueLe temps d'aller à l'école...
En 1984, Riad Sattouf a six ans. En Syrie, alors sous le régime d'Hafez Al-Assad, notre futur dessinateur débute alors l'école pour y apprendre l'arabe et entonner l'hymne national du pays.
L'éducation occupe une place centrale dans ce second opus de la vie de notre cher dessinateur. L'occasion pour l'auteur de dresser quelques portraits de personnages haut en couleurs en faisant appel à la vivacité des souvenirs et ce à travers le point de vue de ses 6-7 ans. L'auteur le déclare lui-même, il a la chance de posséder une excellente mémoire concernant ses souvenirs. Nous sommes donc plongés dans une autobiographie tout en vivacité où les souvenirs du jeune garçon se calquent aussi avec des thématiques plus graves autour de la société syrienne, autour de meurtre d'honneur, de la pauvreté, des thèmes qui sont presque calés en arrière-plan mais qui n'échappent au regard du jeune Riad...
Ce volume se concentre sur les années d'école du dessinateur à Ter Maleeh, le village natal de son père en Syrie. Riad Sattouf nous fait partager sa grande appréhension puis la découverte de sa classe, une classe menée d'une main de fer par une institutrice plutôt...redoutable dont la voix douce est entrecoupée de furieux coups de bâtons. Cette maîtresse est sans doute l'un des personnages les plus marquants de ce volume, un personnage plutôt brutal mais dont l'auteur s'amuse aussi à dépeindre un portrait plus fin , plus mélancolique comme en témoigne l'épisode de la pluie... Encore une fois, l'auteur raconte par le biais d'une sobre voie-off ce qu'il a vu enfant mais cette voie n'éclipse pas un regard plus fin, plus critique laissé cependant à l'appréciation du lecteur... Par exemple, on retiendra aussi la présence d'enfants misérables au fond de la classe ou encore celle de l'un des amis d'enfance souffreteux de l'auteur qui "un jour, n'est pas revenu à l'école..." Dans ce regard d'enfant, la réalité d'adulte est bien présente.
L'une des séquences les plus importantes de ce point de vue demeure la mention du crime d'honneur... lorsque le jeune Riad se lève dans la nuit et surprend une grave conversation entre ses parents au sujet d'un crime d'honneur commis par des membres de la famille sur une femme que l'auteur a qualifié comme son premier génie du dessin... D'une certaine manière, le dessinateur rend hommage à cette jeune femme Leila, victime de la cruelle injustice du crime d'honneur fortement présent dans les campagnes. Un épisode d'une réalité critique qui compose aussi cette fabuleuse autobiographie qu'est L'Arabe du futur et qui vient la conclure sur un ton presque glacial.
Nous retiendrons également dans ce second volume la vision des gosses de riches et la découverte de l'élite de la Syrie lorsque le père de Riad décide d'aller rendre visite à un cousin, général de police de Homs qui possède une villa... Du haut de ses six ans, Riad Sattouf témoigne avec humour de ce jeu d'apparence, de cet étalage de luxe qui demeure bien fissuré ou encore de ses rencontres avec d'insupportables gosses de riches tout simplement méprisants. Le père de l'auteur occupe une place toujours aussi importante dans ce second volume qui témoigne aussi de son ambition mais plus que le père, ce second tome suit aussi l'évolution de la mère de Riad, de plus en plus lasse et contrariée par ce quotidien... Là où on pouvait s'étonner de sa passivité dans le premier volume, la mère de l'auteur est ici mise un peu plus en valeur et commence à se rebeller dans ce quotidien sclérosé par les promesses stériles du père.
Que ce soit sur les bancs de l'école, la société d'élite syrienne, les jeux extérieurs avec ses camarades, le marché de Homs ou encore sur une promenade au cœur de vestiges romaines, le regard de l'auteur nous fait partager sa vie mouvementée toujours avec délice et émotions.
En bref
Ce second tome qui nous plonge, en grande partie, sur les bancs de l'école est encore plus intéressant et aboutie que le premier volume. Avec ce regard innocent (mais pas naïf) de l'enfance, Riad Sattouf nous conte aussi le monde adulte, nous fait découvrir certaines facettes parfois pas franchement reluisantes sur la société syrienne à travers la bourgeoise égoïste de l'élite et les féroces crimes d'honneur. Dans ce tome, Riad Sattouf capte à merveille et dans le même temps le monde adulte et ses souvenirs d'enfance et ce toujours dans un style de dessin vif et limpide qui laisse la place à diverses émotions tout en intégrant l'appréciation des lecteurs.
Positif
Une vision de l'enfance qui n'éclipse pas un regard plus critique ( le meurtre d'honneur...)
Des portraits haut en couleurs (l'institutrice, le garde du corps, les gosses de riches, les gosses misérables du fond de la classe...) qui témoignent aussi du clivage entre deux classes.
Un dessin toujours aussi vif et limpide qui suit adroitement le regard du dessinateur sur ces souvenirs
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