Rentrée dans l'âge bête et Rage du père

Avec ce quatrième volet de L'Arabe du Futur, Riad Sattouf nous raconte sa préadolescence de ses 10 ans jusqu'à ses 14 ans. De 1987 à 1992, nous suivons le quotidien du futur dessinateur qui commence à se faire titiller par ses hormones. Le jeune chérubin à la chevelure blonde épanouie se métamorphose en ado acnéique aux cheveux châtains. Mais outre cette naturelle métamorphose, Riad Sattout  assiste  impuissant à une importante crise parentale.

En effet, dans cet opus, rien ne va plus entre les parents de Riad : Clémence et Abdel. A la fin du troisième volume, ce dernier, suite à un énième coup d'éclat, annonce à sa famille qu'ils vont déménager en Arabie Saoudite alors qu'Abdel a trouvé un nouveau poste de professeur d'université. Toutefois et contre toute-attente, Clémence qui suivait la volonté de son mari se rebelle et repart s'installer en France avec les trois enfants auprès de sa mère en Bretagne laissant le père travailler en Arabie Saoudite et leur envoyer un peu d'argent. 

Ce volume démarre en France, de même que l'intrigue dans sa majeure partie, se déroule la plupart du temps en Bretagne alors que la Syrie se fait de plus en plus lointaine durant l'adolescence du dessinateur. La relation avec le père est distante malgré un lien toujours présent. Abdel ne disparaît pas de la famille mais quand il vient en France, c'est un père différent , c'est une figure haineuse, raciste et totalement obnubilé par la religion. Dans ce quatrième tome, Abdel est devenu l'opposé de celui qui se revendiquait comme progressiste dans la veine du panarabisme. 

Résolument, ce tome est beaucoup plus sombre, beaucoup moins léger que les tout premiers opus sur lesquelles l'auteur combinait gravité et vision d'enfant teinté de naïveté. Ici, Riad a grandit et il est parfaitement conscient de la grave crise qui oppose ses parents. Cet opus prend un tournant plus conflictuel mais aussi plus intimiste avec un dessinateur qui pose au premier plan sa métamorphose physique. Le jeune garçon aux cheveux blonds ondulés est devenu un pré-ado boutonneux qui n'a plus autant la côte auprès des filles mais c'est surtout les questions identitaires qui hantent son adolescence avec d'un côté des français bretons qui se moquent en permanence de son nom de famille et de sa voix efféminé alors que de l'autre côté, durant un bref passage à nouveau en Syrie, Riad se heurte à l'antisémitisme , ses cousins ayant fait croire à tout le monde qu'il était juif.

Nous lisons cet opus clairement avec la boule au ventre pour le vécu de l'auteur sans jamais que ce dernier ne se pose non plus en victime ou en juge.  Nous restons dans une observation qui frôle la sobriété si ce n'est le dessin toujours aussi vivace de Mr. Sattouf. Un dessin qui est toutefois plus agressif comme en témoigne les nombreuses sorties typographiques de colère de la part de ses parents et spécialement de son père qui, il faut bien l'avouer, devient assez dur dans ce volume, voire même détestable même si, parfois,  un élan parfois de pitié surgit pour cet homme borné prisonnier lui-même  de sa haine et de sa distance.  D'ailleurs, on ne manquera pas de sourire devant le discours du père qui rappelle certains discours actuels d'extrême-droite

Toujours sous la vision du jeune Riad qui s'éloigne de plus en plus de son père, la mère, quand à elle, est beaucoup plus mise en valeur ne se laissant plus faire par son mari. On relèvera l'un des passages les plus marquants de cet opus avec un repas en Syrie et une confrontation mémorable entre les parents suite à une discussion théologique qui se clôture sur un point de non-retour.

Un volume centré sur la séparation que nous voyons venir avec, cependant, un cliffhanger assez brutal pour littéralement nous pétrifier, la bouche grande ouverte. En terme de rythme, le dessinateur n'a pas son pareil pour rendre son autobiographie des plus palpitante. L'Arabe du Futur est une bd qui mixe aussi bien la qualité d'une autobiographie sans jugements ni narcissime trop appuyé avec d'excellents ressorts narratifs.

Avec une telle note de suspense, forcément, la lecture de ce quatrième opus doit s'enchainer aussitôt avec celle du cinquième ! 


En bref

En somme, cet opus plus épais que les précédents est celui du conflit. L'auteur raconte sa vie tout en étant toujours campé sur un point de vue de strict observateur mais avec un ton un peu plus dramatique et sérieux. Autant, on pourra sourire devant les hormones qui travaillait Mr.Sattouf ( ce que tout homme peut aisément comprendre ! ), autant on sera refroidi par la figure du père qui devient clairement l'antithèse de ses premières aspirations.

8
Positif

Un volume plus sombre et plus dense qui laisse une page décisive se tourner dans la vie de Riad Sattouf

Le quotidien d'un adolescent partagé entre ses désirs et confrontations

Des ressorts narratif qui rendent l'intrigue toujours aussi palpitante porté par un cliffhanger mémorable

Negatif

Une observation parfois un peu sobre avec une figure d'un Riad Sattouf un peu effacé devant son père

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