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Critique de Magic l'Assemblée #1

par Ben-Wawe le ven. 8 juil. 2022 Staff

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Début solide pour une histoire intense et agréable, hélas gênée par des références et rebondissements qui parleront uniquement aux connaisseurs de Magic

La France compte depuis quelques semaines un nouvel éditeur de comics : Black River, issu du groupe Editis. Ce dernier dispose de nombreuses autres maisons d'édition, comme 404 Comics, également versé dans la bande-dessinée américaine.
Cependant, comme annoncé par David Guélou, Directeur de Collection de Black River, l'objectif ici est de viser un public au-delà des super-héros ou de l'underground américain. Le principe semble de s'ouvrir sur les grandes thématiques de l'imaginaire et de la culture populaire... en surfant sur des univers, des franchises, des noms déjà bien connus.

Black River se lance ainsi en mai 2022 avec deux premières propositions, dont ce Magic Volume Un.
Le nom est évocateur et très connu : il concerne évidemment le jeu de cartes Magic : L'Assemblée. Ce dernier est inventé en 1993 par Richard Garfield, et devient rapidement la référence de l'univers des cartes à jouer. Véritable phénomène de société, Magic : L'Assemblée fait le succès et la notoriété de l'éditeur Wizards of the Coast, qui multiplie les ajouts, modifications et nouveautés régulièrement.
L'ensemble se base sur plusieurs catégories de magie, générées par le mana, l'énergie mystique issue des terrains à disposition des joueurs et qui alimente les actions de chacun. Ceux-ci s'affrontent en posant et jouant des cartes, de défense, d'attaque, de sorts, etc.
Magic : L'Assemblée est ainsi un jeu de duel, et de grandes manifestations s'organisent pour des tournois intenses.

En soi, il peut paraître difficile d'imaginer que des comics sur Magic : L'Assemblée puissent fonctionner – car, finalement, les cartes à jouer permettent aux joueurs de créer leurs propres histoires.
Cependant, plusieurs tentatives ont été faites au fil du temps, certaines avec succès. En 2021, l'éditeur américain Boom! Studios a récupéré la licence, et la développe depuis avec talent et réussite. C'est le début de cette relance qui est proposée ici.

Magic Volume Un débute avec une explication intense et massive, mais claire, des règles de base de cet univers – enfin, de ce Multivers. Ce dernier est composé de nombreux plans d'existence, des univers très différents disposant de magies puissantes.
Le plan principal de ce Multivers dispose d'une ville extraordinaire, si riche et étendue qu'une vie entière ne suffit pas à la parcourir, et encore moins à la comprendre : Ravnica. Forgée il y a des siècles, elle est dirigée par dix grandes guildes, qui respectent un équilibre entre leurs forces, leurs orientations, leurs aspirations et leurs membres.
Ravnica demeure guidée par Niv-Mizzet, dragon ayant participé à la pacification des guildes et qui a transféré son esprit dans un corps de Mizzium et de cristal à sa mort. Ravnica accueille surtout de nombreux planeswalkers, êtres capables de se glisser d'un plan d'existence à l'autre – de passer entre les univers. Magic Volume Un se concentre sur trois d'entre eux, qui deviennent alliés de circonstance.
L'on découvre ainsi Kaya, dite Assassin-Fantôme, maîtresse de guilde frustrée du Syndicat d'Orzhov : les prêtres, banquiers, spectres et fripouilles. Puis Ral Zarek, dit le Coeur de l'Orage, maître de guilde et savant principal de la Ligue d'Izzet : les savants, forgemages, urbanistes et illuminés. Et enfin Vraska, la souveraine des opprimés, maîtresse brutale et morte de guilde de l'Essai Golgari : les seigneurs de la mort et de la résurrection, les glaneurs et gardiens-charognards.
Tous trois sont attaqués dans leurs Halls, et enquêtent sur une étrange et lourde conspiration contre Ravnica. Ils en viennent à collaborer malgré leurs différences, s'entraident, s'apprécient quelque peu. Mais ils perdent peu à peu la confiance des autres guildes sous le poids d'un complot léché, lié à une divinité terrible et oubliée de tous... jusque-là.

On le comprend rapidement, les cinq épisodes de Magic Volume Un proposent un volume massif d'informations, que le lecteur doit intégrer rapidement pour comprendre l'univers. Le scénariste Jed McKay, qui fait actuellement son trou chez Marvel en parallèle, s'en sort plutôt bien pour dynamiser l'ensemble, même s'il utilise pour cela des techniques rodées, et prévisibles.
Le tome débute en effet par une longue explication illustrée de la mythologie Magic, puis se concentre sur un trio hétéroclite, composé de caractères bien connus. Kaya est la franc-tireuse râleuse qui fait sourire, Ral est le génie un peu arrogant mais sympathique, Vraska semble terrible et cruelle, mais laisse entrevoir quelques émotions.
Le procédé est classique, mais malin, pour permettre au lecteur de se rattacher à des figures connues et rassurantes, au fil de sa lecture. On peut ainsi se laisser griser par cet univers dense, mais très riche, qui passe de la magie classique à une sorte de steampunk nerveux. Avec quantité de complots, de secrets, de villes mystérieuses, d'univers à découvrir. Du cool mais un peu connu, aussi.

Hélas, si Jed McKay s'en sort bien pour caractériser ses personnages, et raconter intelligemment une histoire classique mais efficace, force est de constater que... Magic Volume Un vise essentiellement les connaisseurs du jeu.
En effet, le scénariste n'a pas le temps ou ne prend pas le temps d'expliquer toutes ses références, qui trop souvent tombent à plat. L'on peut ainsi penser au grand final, à la révélation de la grande menace, qui n'est en rien expliquée ou même évoquée précédemment. Un nom est ainsi révélé, mais... cela ne dit rien au novice, ou au lecteur qui connaît vaguement Magic : L'Assemblée.
C'est dommage, et frustrant. D'autant plus que Black River ne propose nul édito, nulle explication sur l'univers. Et encore moins de texte conclusif pour ouvrir un peu, sur cette menace qui peut aisément être rapprochée d'une fameuse entité cosmique désormais bien implantée dans la culture populaire.
Une grosse occasion manquée et, même, une faute pour les lecteurs bien perdus après ce final. Au point peut-être de ne pas y revenir.

Graphiquement, Ig Guara illustre les cinq épisodes efficacement, mais sans briller. Son style est passe-partout, il ne commet jamais d'erreur, tente même souvent de proposer des décors intéressants. Mais il ne brille jamais non plus. Ses personnages sont reconnaissables et corrects, mais il n'y a pas d'illustration bluffante, ou de narration réellement maîtrisée.
C'est solide, et ça fait le job. Mais si ce n'est pas laid, ce n'est pas beau non plus ; et ça ne marquera pas, en soi.
Un graphisme correct, qui ne dessert pas le récit, mais n'est pas son atout non plus.

En bref

Magic Volume Un est une lecture dense, massive mais agréable. Le scénario malin joue sur des ficelles bien rodées pour faire passer quantité d'informations, et proposer une intrigue classique mais prenante. Dommage, cependant, que bien trop de références tombent à plat, dont une conclusion qui ne parlera qu'aux connaisseurs de Magic : L'Assemblée. Frustrant et crispant.

5
Positif

Une mythologie intense mais bien présentée.

Un trio de personnages aux caractères classiques, mais agréables à suivre.

Une intrigue prenante et fluide.

Negatif

Des références qui ne parlent qu'aux connaisseurs de Magic : L'Assemblée, dont une conclusion qui tombe à plat et frustre.

L'absence d'accompagnement par Black River, avant et après les numéros.

Un graphisme solide mais trop pâle et terne pour soutenir les carences du scénario.

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