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Critique de L'Etrange vie de Nobody Owens

par Ben-Wawe le mar. 11 oct. 2022 Staff

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L'enfance étrange et poétique de Nobody Owens, élevé dans un cimetière par des fantômes bienveillants, via des tranches de vie prenantes et initiatiques

L'on présente de moins en moins l'auteur Neil Gaiman, connu pour ses univers particuliers, puissants et enivrants. A l'heure du succès sur Netflix de l'adaptation de son Sandman, après la réussite de American Gods et Good Omens / De Bons Présages, son nom revient de plus en plus régulièrement et justifie bien des projets.
Neil Gaiman a cependant régulièrement transité entre les médias, ayant débuté dans le journalisme, embrayé sur les comics, continué essentiellement sur les nouvelles et les romans, mais aussi un peu de télévision. Les romans incarnent l'essentiel de son activité depuis la fin des années 90, et sont depuis développés sous plusieurs formats.

Ainsi, ici, le titre L'étrange vie de Nobody Owens est initialement un roman sorti en 2008. Delcourt publie cependant bien une bande-dessinée, basée sur les écrits de Neil Gaiman mais « pilotée » par P. Craig Russell dès 2014. Ce dernier a déjà collaboré sur Sandman, mais aussi sur une autre adaptation BD d'un récit de Neil Gaiman : Coraline.
L'étrange vie de Nobody Owens est alors un projet étonnant, qui garde l'inspiration littéraire de Neil Gaiman, mais bénéficie de l'approche graphique, du sens du découpage et de la sensibilité de P. Craig Russell.
Mais, au fond, de quoi ça parle ?

D'un jeune garçon, d'environ deux ans, qui s'échappe de lui-même de sa maison quand ses parents et sa sœur sont violemment assassinés chez eux par un étrange tueur, surnommé le Jack. L'enfant rampe jusqu'à un cimetière, à proximité, où il attire... les fantômes qui hantent le lieu. Les époux Owens, décédés depuis des siècles, sont surpris, mais Dame Owens est interpellée par l'esprit blessé de la mère, qui demande que l'on prenne soin de son fils.
Malgré des protestations initiales, tous les fantômes acceptent de s'occuper de l'enfant... quand la Dame Grise, incarnation de la Mort, en appelle à leur grandeur d'âme. Silas, un vampire ayant trouvé refuge ici, devient tuteur de l'enfant, nommé Nobody (Personne, en français) par les Owens, qui l'adoptent.
Débutent alors plusieurs récits, des tranches de vie où Nobody grandit, découvre le petit univers du cimetière, et développe des capacités – comme d'accéder où il veut dans cet espace, mais aussi s'effacer, disparaître aux yeux de tous, visiter les rêves, terrifier autrui.

Le premier chapitre, illustré par Kevin Nowlan, révèle ces origines terribles.
Le deuxième, illustré par P. Craig Russell lui-même, montre l'amitié entre Nobody et la jeune Scarlett, avec la découverte dans les profondeurs du cimetière de la Vouivre, mystérieuse entité à la recherche d'un maître.
Le troisième segment, illustré par Tony Harris et Scott Hampton, montre comment Nobody gère mal les vacances de Silas, remplacé par la mystérieuse Madame Lupescu ; mais, aussi, comment Nobody s'attire des ennuis avec les goules.
La quatrième partie, illustrée par Galen Showman, amène Nobody aux frontières du cimetière, là où les suicidés et impies sont enterrés. Dont Liza Hempstock, sorcière de son état. Vouloir lui donner une sépulture décente amène Nobody au contact d'humains normaux, hélas malintentionnés.
Le cinquième chapitre, illustré par Jill Thompson, révèle les dessous de l'étrange macabrée, quand vivants et morts en viennent à partager une danse... macabre.
Un interlude, illustré par Stephen B. Scott, enclenche des révélations sur le complot autour de l'assassinat des parents de Nobody, via une structure ancienne et maléfique.
La sixième partie, illustrée par David Lafuente, montre comment Nobody obtient de Silas d'aller étudier dans une véritable école – mais il est alors confronté à la violence et l'injustice entre élèves. Cela le pousse à agir, mais amène bien des ennuis.
Le septième segment, illustré par Scott Hampton, ramène Scarlett mais aussi le Jack. L'heure de l'affrontement est venu, avec également des révélations sur les dessous de l'assassinat et les activités occultes de Silas et de Madame Lupescu.
Enfin, le huitième et dernier chapitre, illustré par P. Craig Russell, Kevin Nowlan et Galen Showman, montre les adieux d'un Nobody désormais adolescent, avant son départ vers l'extérieur – et l'âge adulte.

L'auteur de ces lignes doit l'admettre : je n'ai pas lu le roman original de Neil Gaiman, et je me suis lancé sur cette adaptation avec curiosité, mais aussi un peu de perplexité devant sa « masse » (356 pages en tout).
J'en ressors cependant complètement ravi, charmé et envoûté !

La lecture est extrêmement dynamique et fluide. Les chapitres s'avalent goulûment, car tout est extraordinairement bien fait, bien réalisé et passionnant. La structure en huit parties est pertinente, car elle permet d'aborder l'enfance de Nobody via des tranches de vie cohérentes. Qui, surtout, montrent son évolution, et soulignent des éléments de son univers.
En effet, les auteurs utilisent chaque chapitre pour acter l'avancée, la maturité de Nobody, tout en caractérisant les mystères et étrangetés de son petit monde. Il est ainsi passionnant de se plonger dans tout ceci, en n'ayant jamais toute la vérité, mais en obtenant régulièrement des clés pour tout comprendre.

Surtout, l'on sent clairement que P. Craig Russell respecte entièrement le fond littéraire de Neil Gaiman, qui rejaillit constamment dans les phrases, le descriptif, les dialogues.
Cependant, P. Craig Russell apporte sa science de la bande-dessinée, et offre ici une formidable narration – toujours dynamique, toujours en mouvement, toujours fluide. Mais également très poétique, très tendre, très douce.
Les divers dessinateurs choisis sont différents, mais conservent des styles, des approches qui se ressemblent. Cela permet que chaque chapitre ait sa personnalité, mais l'ensemble conserve une pertinence, une cohérence très agréable.

Enfin, l'on ne peut achever la critique sans signaler l'immense émotion que l'on ressent régulièrement au fil de la lecture. Le dernier chapitre est déchirant, car le lecteur a pu complètement s'impliquer envers ces personnages, Nobody mais aussi tous les fantômes.
C'est beau, c'est juste, c'est fort. C'est poétique et mignon... alors que l'on parle de revenants, de goules, de vampires ! Encore une réussite de Neil Gaiman, ici très bien accompagné et adapté.

En bref

Etonnant projet que cette adaptation en BD d'un roman poétique, mais grande réussite pour des auteurs impliqués et inspirés. Les huit chapitres retraçant l'enfance et la maturité de Nobody Owens sont autant touchants que poétiques, intenses et prenants, et remplis d'émotion. Une belle œuvre, très bien éditée, complètement passionnante.

9
Positif

Un récit poétique, envoûtant et passionnant.

Des chapitres intelligents et cohérents, qui narrent la maturité de Nobody mais révèlent aussi les dessous de son univers.

Une gestion intelligente du graphisme, via plusieurs dessinateurs convoqués et très inspirés.

Negatif

Des transitions un peu brutes entre les périodes (mais cela sonne irrémédiable vu le concept).

Une petite frustration sur l'organisation ennemie, que l'on sent tentaculaire mais qui subit un peu trop les événements.

Une envie d'en voir et d'en avoir plus.

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