Nobody Owens est le seul pensionnaire humain d'un cimetière anglais. Éduqué dans un coin où transpire la magie, Bod peut compter sur sa curiosité innocente, les leçons de son tuteur Vampire et les habitants des tombes pour l'aider à traverser les épreuves de la vie jusqu'à sa prochaine rencontre avec le mystérieux assassin de ses parents : Jack ! Mais qui est Jack ? C'est la question que se posaient de nombreux lecteurs en fermant le premier volume des aventures de Nobody Owens. Dans ce deuxième et dernier album, l'artiste P. Craig Russel conclut l'adaptation du roman éponyme de son compère Neil Gaiman (enfin presque puisque le roman est titré « The Graveyard Book » dans sa langue originelle) avec quelques uns de ses proches collaborateurs (on retrouve ici Scott Hampton, Galen Showman et Kevin Nowlan) et même un petit nouveau. Ce nouveau, c'est David Lafuente, le jeune dessinateur espagnol que certains lecteurs ont pu découvrir sur "Ultimate Comics Spider-Man", il y a quelques années. Le style exagéré de l'artiste (visage rond, gros yeux, grosses mains, gros pieds) et énergique - emprunt des dessinateurs de manga qu'il a su maturer à force de travail - contraste quelque peu avec le travail de ses prédécesseurs sans pour autant dépareiller avec l'atmosphère de la série. Il faut dire que le choix porté sur un chapitre qui voit Bod entrer au lycée, entouré de jeunes garçons et filles sied justement à un style qui a tendance à flatter l'œil d'un jeune lectorat. Plus que Scott Hampton en tout cas. Cet artiste au trait épuré, que l'on a déjà pu voir à l'œuvre dans le volume précédent, se taille la part du lion avec le deuxième (et plus important) chapitre de l'histoire. Il conte les retrouvailles de Bod avec les deux personnes les plus importantes de sa vie, Scarlett, son amour de jeunesse, et le malfaisant Jack, au sein d'une petite amourette qui vire au cauchemar, prouvant tout le talent de l'artiste à voguer de l'un à l'autre dans un style simple et élégant. Comme dans tout bon récit initiatique, c'est avec un plaisir certain que le lecteur témoigne de toutes les épreuves vécues par Bod comme d'un exutoire pour venir à bout de ses adversaires. Ghoules, Vouivre, techniques ectoplasmiques se chevauchent dans un dernier élan fantastique pour aboutir... ...A la conclusion. Comme souvent chez Gaiman, la fin est une aventure en soit, qu'elle célèbre la mort d'un personnage (« Whatever Happened to The Caped Crusader ? ») ou sa vie (« Death », « Neverwhere »). Nobody Owens n'échappe pas à ce constat. Devenu adulte, Bod perd peu à peu de cette spécificité qui lui permet d'entrevoir la vie dans le cimetière comme lui seul le peu. Cette spécificité, comme souvent chez Neil Gaiman, c'est l'âge de l'imagination qui reflète la capacité des personnages à déceler la magie. Il ne fallait pas moins que trois artistes de talents comme Kevin Nowlan, Galen Showman et P. Craig Russel lui-même pour prouver que ce final doux-amer n'est pas pour autant une fatalité alors que le héros, oubliant peu à peu les gens qui l'ont élevé, se tourne vers de nouvelles aventures. Comme je le disais pour le précédent volume, L’Étrange Vie de Nobody Owens est un exercice accompli aux péripéties renouvelées à chaque chapitre et flattant la rétine à chaque page. Il ravira jeunes et moins jeunes dans la plus grande tradition des contes de Neil Gaiman. Les fans de littérature fantastique ou de comics en général devraient facilement y trouver leur conte.