Quand tout fout le camp
Comme sa couverture qui ne prend sens qu'en se déployant, il faut laisser sa chance à l'histoire de pleinement déployer ses ailes au fil des chapitres labyrinthiques de l'intrigue. La claque est ensuite bien au rendez-vous !
Comme bien des oeuvres de SF japonaises, nous sommes ici dans un versant très sombre de futur imaginé pour l'humanité. Rappelant un peu le Search & Destroy d'Atsushi Kaneko, Kasumi Yasuda nous propose une dystopie glaçante où le soleil a disparu et où l'oxygène est devenu si rare qu'on propose aux gens de se transformer en plantes pour en fournir. Cette base est vraiment à l'origine de tout et développe au fil des chapitres de chaque tome une intrigue dense autour des injustices de ce monde.
Pour tisser sa toile, l'auteur prend son temps. Il met en place une narration lente et entêtante où plusieurs fils d'histoire semblent se dérouler en parallèle, sans lien au début, mais avec des ramifications évidentes très rapidement, ce qui crée une ambiance générale très malaisante.
Dans ce tome, le héros de l'histoire, Toshiro, poursuit une personne transflorée qui a mal tourné et commet de nombreux meurtres en apparence sans raison. Avec son pouvoir, il va tenter de la retrouver et de comprendre le pourquoi. En parallèle, la police développe une arme contre cet être insaisissable et très fort formé uniquement de lianes ce qui rend leurs autres armes inopérantes. Et la coéquipière de Toshiro, blessée grièvement, doit se faire opérer ce qui le fait partir en vrille. C'est sans compter en plus, le récit de ces petites gens qui assistent à tout cela à travers leur télé et voient la grogne monter contre ce monde où la transfloraison, l'impôt sur l'oxygène et bien d'autres éléments leur semblent terriblement injustes. C'est une situation explosive.
L'auteur met très bien cela en scène. Sous des dehors calme et froid, on découvre un monde désespéré avec un vrai fossé entre riches et pauvres ou juste riches et personnes ordinaires qui vont finir par tomber dans la pauvreté avec tout ce qu'on leur demande. Le récit de ce père de famille célibataire qui tente de survivre et de payer les études de sa fille malgré toutes les échéances qui lui tombent dessus est édifiant. Normal que tout cela fragilise certains esprits et les pousse dans les bras des extrêmes. J'aime beaucoup la description qui est faite de manière insidieuse de ce basculement possible dans le camp des anti. C'était saisissant.
A côté, la poursuite d'Ivy, la liane meurtrière, elle, offre une enquête prenante et oppressante avec ce sentiment de criminel surpuissant, toujours en fuite, qui échappe à tout. J'ai donc apprécié de voir les différents camps chercher des solutions et des indices pour l'arrêter, faisant de sacrées découvertes. Mais c'est LA confrontation avec Toshiro qui marque le point culminant, nous révélant la tragédie à l'origine de tout et nous faisant assister à une nouvelle tragédie mise en scène de manière vive et tranchante par l'auteur. Magistral !
En bref
Dans ce monde où rien ne va plus, l'auteur nous emmène petit à petit derrière les décors de calme et contrôle que les gouvernants tentent d'imposer et la réalité est alors glaçante. Entre société en plein décrochage et grondant de colère, sentiment d'injustice et envie de se faire justice soi-même, la situation est explosive et Ivy n'en est qu'un des symptômes les plus visibles. Quelle excellente dystopie !
Positif
Une dystopie glaçante
Une mise en scène lente et entêtante
Un uppercut à nos valeurs
Un mélange de récit sociétal et thriller très efficace
Une description des mécanismes de colère très bien élaborée
Des scènes d'action vives et tranchantes
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