Apothéose et fin du Cirque de Minuit

Voici les derniers chapitres correspondant aux derniers volumes publiés chez nous par Delcourt à l'époque, ce n'est donc pas sans une certaine nostalgie voire fébrilité que certains les liront. Pour moi, lectrice qui découvre ici la série, c'est plutôt sous le signe d'une puissante montée de tension que j'ai dévoré ces pages.

Affrontement dantesque et presque ultime entre les Shirogane et les pantins de Francine, cet arc du Cirque de minuit fut grandiose de bout en bout, mais ici, il monte encore d'un cran. Avec un travail graphique sur les lignes assez incroyable, Fujita nous conduit jusqu'à l'acmé de son oeuvre lors de pages superbes d'émotion, de tension et d'explosivité. Ce fut magistral ! On y découvre les influences de tellement de grandes séries et grands auteurs, de Tezuka et son Black Jack, en passant par Araki et son Jojo ou Tetsuo Hara et Hokuto no Ken, c'est excellent et surtout parfaitement digéré pour faire à son tour une grande oeuvre.

Mélange de combats qui semblent perdus d'avance où le sang pleut tout comme les membres tranchés et autres parties du corps manquantes, et d'opération médicale en plein champ de bataille en vue de sauver LE héros de cette histoire, qui ne veut tellement pas l'être, mais qui fut si inspirant pour les autres, la lecture se révèle parfaitement addictive et on tremble aux côtés de nos héros en se demandant comme ils vont se sortir de ce chaos. Ajoutez, la pression supplémentaire du compte-à-rebours des armées mondiales qui vont lancer leur offensive de missiles destructeurs, et vous imaginerez peut-être un peu l'ambiance sombre et stressante de ces chapitres.

Pourtant la lecture se révèle lumineuse grâce à toute une panoplie de personnages qui sauront nous toucher en plein coeur, des pantins qui malgré leur absence d'âme sont touchant par tout ce qu'ils font pour leur "mère" Francine, en passant surtout par les collègues Shirogane ou humains de Narumi qui font tout pour permettre qu'il soit sauvé. Fujita orchestre cela de main de maître avec une émotion ravageuse et pourtant jamais trop excessive. Il joue le funambule en restant sans cesse sur la corde raide sans tomber d'un côté ou de l'autre. On est ainsi très touché par les sacrifices consécutifs de Timbavati, Dahl ou Rockenfield, sans parler de Fatima et bien d'autre. L'émotion est à son comble. Mais on ne perd jamais espoir et il est beau de voir ainsi chacun lutter, donner tout ce qu'il a, aller au bout de ses idéaux quitte à faire des renoncements importants. Ils ne sont plus juste des Shirogane animés de vengeance, ils sont devenus humains au contact de Narumi, c'est ce qui fait de lui le héros de cette histoire.

Fujita fut ainsi un super maître d'oeuvre qui a mis en scène un final somptueux sur cet arc, avec une montée en tension incroyable mais aussi des révélations et retombées tout aussi scotchantes. Je comprends la frustration du lecteur d'autrefois de voir sa série arrêtée à ce stade, même si cela referme un chapitre important. Il reste tellement de questions autour de Francine. Il reste les retrouvailles avec Eleonore et Masaru. Il reste à découvrir plus ce nouveau Narumi et ce qu'il pourra apporter comme renouveau à l'ordre de Shirogane après le désespoir total qui a ressenti face à tout ce gâchis, magistralement représenté de manière très sombre et sobre par Fujita, au passage. Je comprends que les anciens lecteurs arrivés là ce soient jetés sur cette nouvelle édition, car impossible d'en rester là !