La folle découverte d'un yakuza masochiste

J'ai un peu fait les choses à l'envers avec cette autrice. C'est après avoir découvert et apprécié son diptyque Saisons maudites, que j'ai eu envie de découvrir sa saga en cours Criminelles fiançailles, que j'avais arbitrairement laissée de côté alors que ce fut un excellent moment de folie et de dérision.

Je me rappelle que lors de l'annonce, le côté yakuza + fiançailles m'avait fait craindre quelque chose de racoleur voire de dérangeant. Ô comme j'avais tort ! Série saluée au Japon, avec ses 7 tomes en cours, elle s’est classée 8e du top manga Kono Manga ga sugoi en 2019, 4e au top Next Manga de l’éditeur Kadokawa en 2018, et 11e au top Honya Club (association japonaise de libraires). Chez nous, je n'ai pas les chiffres, mais je pense qu'elle a un joli succès car l'éditeur pousse rarement les titres qui n'en ont pas et il le pousse, notamment avec son opération un tome acheté = un offert qui m'a permis de la découvrir.

L'univers des yakuza, ce n'est pas quelque chose qui me vend du rêve. J'aime soit les décryptages en mode investigations à la Jake Adelstein dans Tokyo Vice, soit les quasi parodies comme avec La voie du tablier. Nous sommes plutôt ici sur ce second volet. Tout commence avec deux chefs de clans : un à Tokyo, l'autre à Osaka, longtemps en conflit, qui cherchent à apaiser les choses en fiançant leurs petits enfants qui ne se connaissent pas. En montant à Tokyo, Yoshino la petite-fille du boss du clan d'Osaka, ne se doutait pas dans quoi elle mettait les pieds et nous non plus.

J'ai adoré tout du long le décalage qu'il y a dans cette histoire. Tout d'abord, nous sommes dans un premier temps avec une héroïne archi-naïve, qui a été ultra protégée et qui malgré son statut d'héritière n'y connaît pas grand-chose à l'univers des yakuzas. Face à elle, son fiancé, Kirishima, a toujours le sourire, mais un sourire de façade qui cache bien des turpitudes. C'est en effet un masochiste qui aime que les femmes le traitent mal et qui se lasse vite de celles trop gentille comme notre Yoshino au début. Lui, il aime le sang, les conflits, la violence et il rêve d'une escalade entre les deux clans qui retrouver cette folle ambiance.

C'est avec humour et dérision qu'Asuka Konishi nous conte le quotidien de ces deux adolescents en plein dans un univers de yakuzas totalement décalé et fantasmé. Franchement, l'autrice y va vraiment avec ses gros sabots quand elle nous plonge dans leur monde et qu'elle met en scène un tel héritier. Mais c'est drôle, c'est jouissif et c'est classe aussi. Avec son trait très singulier, qui sort de l'ordinaire, elle confère vraiment une aura à Kirishima, entre la fascination pour les yakuzas et leur goût du sang et des tatouages, et celle pour les psychopathes froids et tordues avec des regards hypnotiques et des sourires ensorcelant. C'est gros mais ça fonctionne. On est dans de la pure comédie, de la pure parodie.

Cela aurait pu tomber à plat car au début notre héroïne est bien falote en comparaison. Heureusement, et il fallait cela pour relancer et soutenir l'histoire, l'autrice fait un revirement complet la concernant qui vient nous assener à nous et à Kirishima un vrai uppercut dans la seconde moitié et alors une toute autre dynamique va naître entre eux et entraîner toute l'histoire. Cette nouvelle relation de "tu m'aimes, je te fuis" est tordante face à la personnalité de malade de Kirishima et celle plus grinçante de Yoshino. J'ai adoré ! En prime, viennent enfin s'y ajouter des histoires liées aux clans et il fallait cela également pour enrichir l'histoire et sortir juste de ce thème bien faible des fiançailles entre rivaux. Ça y est l'histoire est lancée !