Destin vs Travail sur soi

Si j'ai voulu lire Joker of Destiny, c'est avant tout pour la présence de Mizu Sahara aux dessins et force m'est de constater que son absence au scénario se sent tout particulièrement dans cet ultime opus qui fini un peu en queue de poisson. 

Si j'ai aimé la dualité entre un destin souhaité mais pas forcément dans la forme qu'il prend et le travail que nous devons tous fournir pour obtenir ce que l'on souhaite, le message est quand même pas mal brouillé sous pas mal d'effet de manche de la scénariste. Ce dernier tome est donc à la fois fort intéressant dans son propos et poussif dans sa mise en forme. 

Le virage que la série a pris lorsqu'un vieux mangaka has been a été confié à Kiwa, notre héros mollasson, a été une belle idée, même si cela a donné un caractère épisodique à la série. J'ai aimé suivre les déboire de Tomita, ce mangaka qui fait reposer son succès sur une déesse et donc sur une crise de foi mystique, tout comme son absence de succès actuel. Les mangaka montrent ainsi la place de la superstition, encore, dans nos société modernes et la façon qu'on peut avoir de se dédouaner dessus quand ça nous arrange. 

Les relations entre les personnages ont ainsi gagné en force à travers cet épisode choisi pour développer l'histoire. On n'est plus juste sur une romance au début et un héros qui cherche à impression celle avec qui il est en couple. On est plus sur une crise de foi et une crise d'inspiration, ce qui relie peut-être le titre à un vécu d'auteur de la part de Michiharu Kusunoki. On sent d'ailleurs une légère critique du milieu dans sa façon de gérer auteur, succès et baisse de régime. C'est assez grinçant. 

Mais c'est surtout, le rapport de l'un des personnages : Yuri, à cet homme qui est fut intéressant. Avec un complexe d'Electre en puissance, celle qui fut la fille de la compagne du mangaka a une relation ambigüe à celui-ci et à son art qu'il est intéressant d'analyser sous la houlette des autrices. On est encore la fascination / répulsion, entre l'amour / rejet, entre la figure de père voulu ou de l'amant qu'on refuse de reconnaître. C'est dérangeant à souhait. 

La mise en scène très sombre et malaisante des autrices fait mouche. J'ai aimé la montée de tension, le malaise prégnant à tous les coins de pages et l'attente du dérapage qui bien sûr survient. Elles ne se sont pas dérobées et c'est tout à leur honneur. Ce fut très intéressant de voir comment elles ont lié tout l'aspect mystique à leur histoire sous couvert de personnages manquant cruellement de confiance en eux et en cherchant de manière biaisée grâce à la foi. 

Cependant, il faut aussi reconnaître que l'ensemble donne un sentiment de trop peu. La fin est particulièrement frustrante car la décision finale du héros sort un peu de nulle part, même si on pourra prétexter l'aboutissement d'une fatigue générale et une sorte de métaphore de l'état dépression où on repousse tout le monde tant on va mal. J'ai surtout eu l'impression d'un gros gâchis et d'une grosse pirouette pour une histoire qu'on ne savait comment conclure. Cela donnait un temps l'impression d'un premier épisode et du retour possible d'un second avec à nouveau cette figure de dieu tutélaire au centre mais la porte est rapidement et maladroitement fermée. Dommage.