Les Nazis, ça ose tout...c'est même à ça qu'on les reconnaît...

Ce qui accroche d'abord le regard, c'est la stylisation des dessins de Laurent Zimny, qui signe ici son premier album après des participations à des projets collectifs. Sur la planche d'ouverture, la forêt amazonienne est représentée d'une façon assez épurée, avec des traits simples qui n'empêchent absolument pas d'exprimer le côté touffu d'une végétation survolée par un avion dont les occupants sont à la recherche de quelque chose que...hélas pour eux...ils vont trouver. L'entame est percutante et permet d'esquisser les contours de la menace à venir avant la première apparition des héros-titre de la bande dessinée scénarisée par Jean-Marc Lainé (sur une idée de Tony Larivière).

Leur ping-pong verbal établit rapidement et efficacement leur caractérisation. Le capitaine Wallace Webster (le genre de nom à la double initiale que Stan Lee aurait apprécié), avec sa musculature aussi exagérée que sa ganache est proéminente, est un baroudeur patriote bien ancré dans son époque. L'agent Betty Jones est un petit bout de femme indépendante, intelligente qui s'est hissée à sa place grâce à ses capacités, ce qui n'a pas du être facile compte tenu de ce contexte particulier que sont les années 50. Elle doit donc endurer les "ma jolie" de son équipier mais elle sait aussi le remettre à sa place. Webster ne se limite pourtant pas au cliché du gros dur un peu lourdaud, comme le montre son rôle au fil des pages, ses décisions prises dans le feu de l'action et sa réaction lorsque son ennemi le confronte aux contradictions de ce pays qu'il aime tant et qui est loin d'être le pays de la liberté et de la justice pour tous (excellente scène finale). 

Dans Webster & Jones - Agents du 102, les auteurs jouent avec des éléments connus (la base secrète cachée dans une jungle reculée, les robots tubulaires, le design des soucoupes...) tout en orchestrant une aventure rythmée, aux informations bien distillées pour faire avancer une intrigue qui emmènera tout ce beau monde vers l'espace. À Webster et Jones s'ajoutent Cameron Smith, un savant à la Hans Zarkov, ainsi que pas mal d'autres protagonistes hauts-en-couleurs que je ne dévoilerai pas ici. Le passage obligé de la phase d'entraînements ne manque pas de détails amusants (Webster peut être très cartoonesque et dans ces situations, sa tronche impayable m'a bien fait sourire)...et à propos de détails, les artefacts de la base 102 sont autant de clins d'oeils croustillants. 

Les péripéties s'enchaînent sans temps morts, une belle énergie se dégage des pages et du style de Laurent Zimny, parfait pour cette imagerie rétro-futuriste et qui est pour moi une belle découverte (je suis juste un chouïa moins convaincu par certains effets de colorisation mais rien qui diminue le plaisir de lecture). Les dialogues de Jean-Marc Lainé sont savoureux, les touches d'humour (avec notamment quelques références qui font plaisir et cet accent allemand à couper au couteau...j'avais Francis Blanche en tête en le lisant) fonctionnant aussi bien que les moments plus sérieux. Et tout ceci se referme sur une jolie note d'espoir...