Variation autour du maquereau

Tranche de vie par excellente d’un couple de quadragénaires homosexuels, il porte merveilleusement bien son titre tant la question est cruciale pour ce couple dans la relation est rythmée par les moments passés à déguster de bons petits plats avant et après le boulot. Une oeuvre très actuelle et intemporelle en même temps.

De tout temps, les familles se sont réunies autour du feu pour échanger sur leur journée autour du plat du jour. C’est même l’un des fondements de nos sociétés. Reprendre ce code pour en faire le coeur d’une oeuvre, il fallait oser et c’est un pari réussi pour Fumi Yoshinaga qui continue à nous ravir, même au bout de 3 tomes doubles, avec ce mélange de recettes et de dialogues de la vie de tous les jours. Certes, cela peut sembler simple et ça l’est. Certes, cela peut sembler répétitif et ça l’est, notamment parce que la cuisine japonaise l’est, en tournant un peu toujours autour des mêmes condiments et accompagnements. Mais la fraîcheur des sentiments des héros en fait toute la saveur en assaisonnant ces moments différemment à chaque fois.

Dans ce tome, j’ai apprécié de voir notre couple se lier avec notre couple, très différent, avec qui ils ont pu échanger et passer quelques soirées. Je me suis amusée du retour de Shiro chez ses parents et de leur manière de le pousser à amener son concubin. J’ai aussi ri de la manière dont Shiro et Kenji finissent par s’acheter des bagues pour sceller leur relation. Sans parler des questions de fidélité, de rupture et d’anciennes relations qui viennent sur le tapis. L’autrice montre bien comment tout cela se discute parfois au fil du temps et pas tout d’un bloc. Cela apporte encore du crédit et du réalisme à leur duo. Alors oui, on voit très peu voire pas du tout de scène de tendresse et d’amour entre eux mais leurs sentiments sont bien là et j’aime voir ce quotidien, un peu comme si j’étais l’enfant de la famille observant ses parents.

Comme à chaque fois, nombre de recettes appétissantes viennent accompagner cela, que ce soit avec du maquereau, du boeuf wagyu, des chinchards, des calamars et tout plein d’autres mets. Ils savent, ou plutôt, Shiro sait nous mettre l’eau à la bouche et nous guider si on avait envie de reproduire ces recettes. J’avoue que si au début de ma lecture, j’ai tendance à lire tous les détails de leur confection, au fil des chapitres, je me contente souvent des images et de quelques mots par-ci par-là parce que c’est quand même assez lourd à lire… Je préfère en fait les échanges qui suivent ou précèdent les préparations, comme quand Shiro évoque ses difficultés au boulot suite à un procès auquel il ne voulait pas participer ou quand il se plaint de la dame du supermarché, des éléments de son quotidien pesant ou drôle, qui agrémentent vraiment joliment ces moments. Mon seul regret, c’est encore et toujours Shiro qu’on suit. J’aimerais bien parfois que ce soit un peu Kenji.