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Critique de Spawn #1

par Ben-Wawe le lun. 11 nov. 2024 Staff

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Belle plongée dans les origines du phénomène qui a changé les comics, avec quelques lourdeurs mais toujours les qualités de fond et de forme qui ont fait ce succès légitime et continu

Après une première version publiée en 2006, l'éditeur Delcourt propose à nouveau une édition du premier tome de Spawn, fameuse série de Todd McFarlane qui a changé la face des comics et de la culture populaire. De tels propos sont devenus hélas réguliers à notre époque, mais ils sont légitimes concernant ce personnage lancé en mai 1992 et qui s'est développé sur quantité de formats avec un succès constant.
En effet, Spawn a très vite obtenu un succès public immense, participant à solidifier la place de l'éditeur Image créé en parallèle avec d'autres auteurs stars cherchant leur autonomie. Et cette réussite est méritée car l'ancien dessinateur star de Marvel livre des planches formidables et des designs épatants, en parallèle d'un scénario qui tape juste au cœur des années 90. Todd McFarlane évoque ainsi la lutte de l'Enfer et du Paradis mais en montrant qu'aucun camp n'est « forcément » meilleur, et cite aussi les manipulations gouvernementales alors très en vogue. Il a aussi l'intelligence de solliciter très vite plusieurs scénaristes marquants pour l'accompagner, ce qui densifiera sa création malgré le processus au long cours entre lui et Neil Gaiman.
Depuis, le succès perdure, avec même de nombreux développements récents de séries (King Spawn, The Scorched, etc.), un projet de film (après la première version plutôt tiède de 1997 et une série animée achevée en 1999) et beaucoup de produits dérivés.
Delcourt est ainsi légitime à reproposer les débuts de la série-phare, notamment avec les épisodes complets après la fin du litige juridique. Et c'est agréable de se replonger dans les histoires qui ont fait l'Histoire !

Mais de quoi parle Spawn Tome 1 : Résurrection ?
Les numéros 1 à 4 posent les bases de la franchise. L'on y découvre un homme perdu, vêtu d'un costume désormais mythique mais sans souvenir, hormis quelques flashs troublants. Il erre dans les ruelles sombres, s'échoue parmi les clochards et redécouvre lentement quelques éléments. Il est Al Simmons, militaire surdoué devenu populaire après un sauvetage du Président et même considéré comme un des hommes les plus sexys. Al est décédé mystérieusement en 1987 – mais il semble avoir formé un pacte avec le Diable pour revenir ! Hélas, ce Diable, révélé être Malebolgia, s'est joué de lui, le ramène cinq ans après, et prépare sa chute... avec l'aide d'un Clown maléfique, le Violator que Spawn affronte violemment pour arracher un brin d'indépendance.
Les épisodes 5 à 7 posent Spawn dans ses nouvelles fonctions de justicier urbain contre son gré, en antihéros brutal mais avec un code moral. Il traque et tue ainsi Billy Kincaid, tueur d'enfants libéré à tort poursuivi par les détectives Sam & Twitch, et se défend ensuite contre le cyborg Overt-Kill, envoyé par la Mafia contre Al car ceux-ci ne supportent pas sa présence. Cela permet à Simmons de renouer avec sa discipline militaire, et des méthodes expéditives.
Les chapitres 8 à 11 sont scénarisés par des auteurs invités, avec des missions spéciales. Le 8e par Alan Moore montre la plongée de Billy Kincaid en Enfer, ce qui permet au scénariste britannique de donner une définition aux différents Cercles, de nommer Malebolgia et de poser les bases de son plan envers Al Simmons. Le 9e par Neil Gaiman évoque le camp du Paradis, avec la terrible Angela envoyée pour tuer Spawn, tâche sacrée pour les Chasseresses comme elle même si cela s'avère plus difficile. Le 10e par Dave Sim est une ode aux comics indépendants, et un formidable hommage au travail acharné de leurs créateurs. Et le 11e montre une guerre des gangs gérée et organisée par un Frank Miller direct et brutal.
Enfin, le volume s'achève sur les segments 12 et 13, où il est révélé qui a tué Al Simmons et pourquoi, avec une confrontation brutale entre Spawn et son assassin, alors lié aux super-héros de la série Youngblood de Rob Liefeld, encore intégré à l'époque à Image.

On le comprend, ces treize premiers épisodes fondent littéralement l'univers de Spawn, qui continue de passionner et de fournir des histoires trente-deux ans après ! C'est en effet une belle plongée dans les bases de la franchise, qui mettent très vite et brillamment en place des piliers, sous les yeux de spectateurs impliqués par le dynamisme de l'ensemble.
Et oui, le scénario enchaîne très vite et très fort, avec des sagas assez courtes, des numéros denses, et des enchaînements réussis. Le suspense autour d'Al Simmons est rapidement évacué, intelligemment d'ailleurs, parce que l'ensemble n'a pas besoin de s'attarder trop longtemps dessus. Au contraire, Todd McFarlane va vite et fort, mais sait aussi mettre de côté des éléments intéressants, notamment l'identité de l'assassin d'Al. Cette résolution ouvre d'ailleurs sur un nouveau mystère, un nouvel ennemi, et c'est là une des réussites de l'ensemble : l'aspect feuilletonnesque de la série.

Todd McFarlane a ainsi bien intégré l'intérêt des comics mensuels, et chaque fin de numéro donne envie de se projeter sur le prochain. La gestion des cliffhangers est très réussie, les événements se suivent et se répondent, et chaque fin de saga permet d'enchaîner sur une autre.
C'est malin, réussi en soi, et bien dans l'air du temps sur les thèmes mis en avant. Les années 90 mettaient en effet en avant les conspirations gouvernementales (X-Files en tête évidemment), et Al Simmons est mort à cause de cela. Mais les aspects bibliques parlent également alors, notamment la fin de l'innocence sur les rôles de chaque camp et des intrigues crasses et dures (le film Angel Heart n'est sorti que cinq ans avant). Il y a aussi cet abandon des rues, ces intrigues sociales en toile de fond qui évoquent une ouverture aux plus pauvres.

Todd McFarlane est ainsi juste et malin dans ses choix, mais l'ensemble souffre de quelques défauts. Et notamment un bavardage lourd, notamment dans les pavés de voix-off qui lassent au fil des pages. Certes, l'on plonge ainsi dans la psyché d'Al Simmons, mais sa dépression légitime finit par fatiguer un lecteur qui enchaîne des pensées qui tournent en rond et n'avancent guère l'ensemble.
C'est certainement conscient de ses failles, qui comprennent également le fait que ses concepts sont porteurs mais assez classiques en soi, que l'auteur a sollicité des scénaristes importants pour l'aider. Et ça fonctionne !
La description de l'Enfer par Alan Moore est réussie et riche, en plus d'un numéro marquant et fort sur le tueur abominable. La Chasseresse Angela est une belle invention de Neil Gaiman, qui forgera la vision du Paradis malgré la brouille juridique. La parenthèse de Dave Sim est une belle ode à l'indépendance des auteurs, et il n'y a guère que Frank Miller qui livre un épisode moins porteur, plus régressif et bourrin.

Et, en parallèle de ces scénarios réussis qui fondent un personnage et un univers qui perdurent encore, il y a les dessins du même Todd McFarlane. Celui-ci illustre tous les épisodes, et tiendra longtemps ce rythme intense et puissant.
Si l'auteur a eu son succès sur les séries Spider-Man, l'on voit qu'il se donne pleinement sur sa création. Ses planches sont fortes, puissantes, détaillées et intenses. Il y a bien sûr quelques panels moins réussis, un peu plus survolés, mais cela se comprend et s'accepte au regard du rythme de travail et de l'enchaînement de belles images.
Il faut bien sûr apprécier le style de Todd McFarlane, en puissance et dans le trouble des compositions... mais cela demeure épatant, marquant et clairement réussi. La preuve que le meilleur ne vieillit pas !

En bref

La réédition du premier tome de Spawn est une lecture enthousiasmante, 18 ans après la première version et 32 ans après les sorties VO. L'on découvre ici les bases de l'univers qui continue de passionner bien des lecteurs, avec quantité de qualités de fond et de forme. Les planches sont épatantes, le scénario est souvent malin, et les auteurs invités réussissent bien leurs missions. Les débuts d'une œuvre qui a marqué l'Histoire, et qui bénéficient d'une réussite intemporelle agréable à retrouver ici !

8
Positif

Le plaisir de découvrir ou redécouvrir les bases très réussies de l'univers de Spawn, avec un dynamisme de narration très plaisant.

Les planches épatantes de Todd McFarlane.

La réussite des missions des scénaristes invités.

Negatif

Une voix-off qui devient rapidement usante pour le lecteur, car trop présente et redondante.

De vrais bons éléments globaux, mais malgré tout classiques et désormais évidents.

Le chapitre de Frank Miller, direct et régressif mais décevant pour l'auteur concerné.

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