L'attente. Parce qu'elle est imposée, il faut composer avec et chercher quelque occupation pour la combler: dormir, couchée en position foetale, se promener en forêt, compter ses respirations, laisser son esprit vagabonder et plonger dans l'onirisme...Le beau. Le laid. Renée, étudiante paumée, auto-mutilatrice, attend un signe de son amant, jazzman marié. Lucille, ex-anorexique, attend les visites au parloir pour retrouver Arthur/ Vladimir qui contient tant bien que mal sa colère dans sa petite cellule en attendant de pouvoir en sortir. Ils attendent, laissant s’égrener les secondes de leurs quotidiens glauques et désabusés. Ludovic Debeurme reprend la plume 5 ans après "Lucille" et y adjoint un nouvel antihéros, Renée. Une fois de plus, le récit s'affranchit des codes de la BD. Les dessins (d'un univers graphique très particulier) sont simples et expressifs, les pages ne sont pas surchargées, ce qui n'alourdit pas davantage l'atmosphère qui s'en dégage. C'est déjà assez dur. Il y ajoute cette fois de fantastiques et délirantes déformations corporelles et des dessins plus travaillés. Qu'on adhère ou non à son univers graphique, Ludovic Debeurme raconte avec retenue, onirisme, délicatesse et pudeur des histoires simples, des contes tristes. Il réussit à montrer l'humanité dans ce qu'elle a de plus sordide sans jamais sombrer dans le pathétique. "Renée "a rejoint "Lucille", à côté de "Black Hole" (Charles Burns) sur mon étagère.