Une nouvelle intégrale Dupuis est parue dernièrement et cette fois-ci, c’est Jean-Claude Fournier qui est à l’honneur. Avant Spirou, il s’est fait connaitre avec Bizu, un des trésors oubliés de la BD franco-belge et un projet personnel à son auteur d’origine bretonne. Il faut le dire, dans le tas de nouveautés qui paraissent chaque mois, il est difficile de s’y retrouver, et cette intégrale n’a pas forcément trouvé sa place dans les rayons à mon grand regret. Car, pour tous ceux qui aiment le style de l’école Marcinelle, je la conseille vivement ! Je l’avoue d’entrer de jeu, cela faisait longtemps que je n’avais pas eu un aussi gros coup de cœur et je vais essayer de vous en convaincre ou du moins, de vous faire partager ma bonne humeur apportée au fil des pages tournées, il y a cinq minutes… Pour commencer, passons rapidement par l’extérieur de ce bel objet qui ressemble à ce qui se fait de mieux dans la collection patrimoine des Editions Dupuis (voir les Gil Jourdan, Spirou par Rob-Vel…) : couverture mate, couleur verdâtre type écolo, dos rond, détaillée des dates 1967/1986. Un tout épais et sobre, il s’agit bien ici d’une version définitive. De plus, ce que j’apprécie dans cette publication, c’est la belle imitation des couleurs de l’ancien, on croirait vraiment tenir une BD d’époque, le tout met en valeur la Bretagne dessinée (au sens large du terme). Et il est vrai que les explications du début donnent du tonus, mais rien de nouveau pour ceux possédant les intégrales de Spirou par Fournier. Par contre, la construction du récit est plus poussée et fait que l’on relit la petite histoire du parcours de cet auteur dans l’aventure Spirou sous un regard bienveillant de Franquin avec plaisir. Il existe toujours en accompagnement les croquis, les couvertures, ou des photos, ainsi que de nombreux inédits. D’ailleurs, les histoires publiées à ce jour sont pour la plupart introuvables, ce qui légifère ce genre de sorties. Mais s’il n’y avait que ça, je ne serais pas aussi exalté. Les histoires ont drôlement bien vieilli, je dirais même qu’elles contiennent un caractère avant-gardiste, car écologiques avant l’heure (on déplore la ville et ses conséquences), et on trouvera également de la poésie (par exemple, un des personnages, le schnockbul laisse derrière ses pas des fleurs ou des éléments de la nature qui parle, un champignon…), de la fantaisie (un biniou sauvage), beaucoup d’humour et d’amour de la vie, et pour finir, un folklore assumé bretonnant. Puis, le côté enfantin des scénarii nous berce d’illusions d’un monde meilleur, protégé dans la forêt de Brocéliande, en dehors des problèmes de l’époque qui résulte en une œuvre à part et encore très actuelle. Les soucis n’arrivent qu’à la sortie de Ker Bizu, avec la pollution, ou une pêche inexistante à cause d’humains ne croyant plus en eux et encore moins aux légendes. Pour finir, la brochette de personnages est inoubliables (parfois même inspirés des facettes de l’auteur lui-même) et nous rend triste de quitter cette bulle. Cette intégrale croisant même parfois d’autres héros de la BD pour notre plus grand plaisir, ne souffre justement pas de la comparaison. Si vos goûts pour l’école de Marcinelle croisent les miens, plongez les yeux grands ouverts sur ce petit bijou, qui mérite bien sa place de deux intégrales au total dans la collection Dupuis patrimoine.