Un bel et bon hommage à la relance moderne de Doctor Who, très agréable et réussi mais essentiellement pour ceux déjà fans

Attention, événement ! L'éditeur Black River, qui propose depuis quelques années des traductions de comics adaptés de franchises à succès (Magic l'assemblée, Assassin's Creed, etc.), se lance dans un défi audacieux : introduire pleinement Doctor Who dans l'univers de la BD française.

Doctor Who est une série télévisée britannique de science-fiction, lancée en 1963 et qui s'est étendue jusqu'en 1989. Elle fut stoppée pour diverses raisons, mais des productions annexes (un magazine, des récits audio) continuèrent malgré l'arrêt et une première tentative de retour échouée en 1996. La série fut relancée pleinement par la chaîne BBC en 2005, sous l'égide du scénariste principal Russel T Davies qui parvient à la revitaliser entièrement en respectant sa continuité.
En effet, Doctor Who continue l'histoire lancée il y a plus de soixante ans maintenant. Elle concerne le Docteur (au nom inconnu, dont le nom de la série), mystérieux extraterrestre issu du peuple des Seigneurs du Temps de la planète Gallifrey. Il voyage dans le Temps et l'Espace via son vaisseau, le T.A.R.D.I.S. qui a l'allure extérieure d'une cabine téléphonique de police bleue, mais dont l'intérieur est plus grand. Le Docteur erre dans l'Univers et le flux temporel, pour vivre des aventures mais aussi redresser des torts et aider ceux en difficulté, avec divers alliés et notamment des jeunes femmes qui l'accompagnent.
Surtout, le Docteur a la capacité de se régénérer : en cas de blessure mortelle, il ne décède pas – mais son corps change, se transforme pour prendre une nouvelle apparence ! Une idée formidable pour justifier les changements d'acteur, et maintenir l'intérêt du public.

Actuellement, la série télévisée Doctor Who bénéficie d'une nouvelle revitalisation, grâce à Russel T Davies qui revient après l'avoir laissée à d'autres mains en 2010. Cette version, en continuité toujours, se relance sur une première saison, diffusée à l'international sur Disney+ en mai 2024.
De nouveaux comics sont prévus, et Black River se positionne d'ores et déjà à ce titre... en proposant ici Il était une fois un Seigneur du Temps, récit récent et autonome, de qualité, et qui fait la part belle à des éléments très connus et très appréciés des fans ! Une belle occasion pour laisser sa chance au produit et à l'éditeur, donc.

Mais de quoi parle Doctor Who : Il était une fois un Seigneur du Temps ?
L'on découvre que, à chacune des 10 premières versions du Docteur, celui-ci informe ses compagnons du danger posé par les Pyroméths, une race extraterrestre si vieille qu'elle semble plus ancienne que les Seigneurs du Temps. Ils ont visité toutes les civilisations de l'univers, faisant régulièrement le don du feu – mais sans bonté d'âme. Les Pyroméths se nourrissent de l'énergie psychique des histoires imaginées par les conteurs. Ils en enlèvent régulièrement pour les forcer à narrer de telles histoires, allant jusqu'à les tuer si celles-ci ne leur plaisent pas.
Le 10e Docteur, incarné à l'écran par David Tennant, évoque ce danger et ses préconisations pour s'en prémunir à Martha Jones, sa compagne durant la troisième saison après la relance de 2005. Ils arrivent sur la planète Bobalabinko, où une fête foraine est organisée et qu'il ne veut pas louper.
Hélas, Martha est enlevée par des Pyroméths, et elle doit alors les servir... en racontant des histoires sur le 10e Docteur. Celui-ci y cherche la « chose la plus merveilleuse de l'univers », en croisant notamment plusieurs races connues – dont les Sycorax, qu'il a affrontés lors de sa première apparition, et bien d'autres !
En parallèle, le même 10e Docteur explique à Martha Jones une aventure passée, où sa 9e incarnation a stoppé une irradiation de la Terre fomentée par un complot terileptile. Ils parviennent à fausser le traducteur universel avec une approche... personnelle... des mots et de la communication !

On le comprend, ce gros one-shot est un véritable hommage à la première période de la relance de Doctor Who, présidée par Russel T Davies. Le lecteur y retrouve les deux Docteurs qu'il a écrits, ainsi que tous... oui, TOUS les adversaires des héros vus à cette époque !
Le scénariste Dan Slott s'amuse en effet avec ces clins d'oeil, rappels et réutilisations, et c'est un véritable festival pour les fans. L'auteur en est un lui-même, et son nom n'est pas inconnu : il a écrit pendant des années Amazing Spider-Man, étant derrière le Tisseur pendant une décennie entière. Il est passionné par Doctor Who, et en a repris bien des éléments pour former un passage remarqué et remarquable sur Silver Surfer. Il a milité pendant des années pour que lui, auteur américain, puisse écrire son héros, ce que la BBC interdit en principe, et a bénéficié d'une belle occasion auprès de l'éditeur britannique Titan Comics.

Black River est ainsi pertinent à publier une telle histoire, auto-contenue, référencée... et de qualité, oui. Dan Slott est un scénariste expérimenté, qui sait bien écrire et rendre un récit fluide et juste. L'ensemble est prenant, agréable et dynamique, avec des personnages bien écrits même si l'ensemble a une approche classique.
En effet, la narration est marquée par les aventures du 10e Docteur évoquées par Martha, ce qui a déjà été vu dans quantité d'autres histoires, mais ne lasse pas car l'auteur ne les multiplie pas abusivement. Surtout, cela devient vite prenant de connaître et reconnaître les ennemis, avec notamment un formidable passage dans... l'au-delà, où le Docteur fait de sacrées rencontres !

Tout cela aboutit sur un final malin, avec un rebondissement bienvenu et intelligent. Objectivement, il est probable que ce twist final aurait mieux fonctionné en série TV, avec le talent des acteurs, mais le rendu en BD est bon et fait sourire.
Idem pour le récit annexe, particulièrement bien traduit ici, et qui laisse une impression fort sympathique et cocasse.

Graphiquement, Christopher Jones et Matthew Dow Smith se partagent les dessins de la première histoire ; l'un sur Martha et son présent, l'autre sur les aventures narrées. Le rendu est plutôt bon, avec des personnages reconnaissables sans que la copie des visages d'acteurs soit trop lourde. L'ensemble est plutôt dynamique, fluide, avec quelques belles images, mais... il faut avouer que les pages de ces aventures sont plus faibles que celles du présent. Un peu dommage, car Dan Slott y réserve les plus grands moments de bravoure.
Mike Collins s'occupe du petit récit annexe, avec une prestation correcte, solide. Ses dessins sont un peu plus figés, mais le rendu des personnages est lui aussi bon, et cela fonctionne en soi.

Doctor Who : Il était une fois un Seigneur du Temps se révèle ainsi être une bonne entrée en matière pour Black River, qui a eu la bonne idée d'éditer un one-shot qui parlera autant aux passionnés, basé sur une période très aimée.
L'on peut cependant noter que cela demeure un récit de fan, pour fans, avec les limitations que cela implique, et un twist qui fait presque « tout ». En outre, le prix peut être prohibitif, au vu du ratio entre le coût et les pages.
Il paraît néanmoins important de soutenir une telle initiative, après l'échec de l'éditeur Akileos qui avait proposé plusieurs séries de Titans Publishing Group, déjà. Afin d'obtenir les suites espérées, et de voir Doctor Who s'implanter dans nos contrées !

En bref

Black River propose un récit unique, auto-contenu, très référencé et qui forme un hommage prenant à la première période très appréciée de la série Doctor Who moderne. L'ensemble a cependant les défauts de ses qualités, car cela demeure guère plus qu'une œuvre de fan pour fans, bien illustré mais qui ne va guère au-delà. Cela demeure cependant pleinement réjouissant et réussi, et à ne pas louper pour ceux qui apprécient ce fameux Seigneur du Temps !

8
Positif

Un hommage réussi, maîtrisé et efficace.

Le plaisir d'une bonne BD sur le Docteur, avec un jeu de références grisant et entraînant.

Un sentiment global positif et réjouissant, tant sur le scénario que le graphisme sympathique.

Negatif

Pas plus qu'un hommage ; réussi, oui, mais guère plus.

Des références uniquement sur la période 2005-2010 : cohérent, mais l'époque commence à dater.

Un coût élevé pour le ratio de pages : ce n'est pas prohibitif, mais cela compte.

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