L'analyse de Denny Colt des New X-men - Partie 1

Pour votre plaisir, nous vous republions la petite analyse des New X-Men de Grant Morrison réalisée par Yann Graff sur le forum de Superpouvoir.

SERIE: NEW X-MEN

SCENARISTE: Grant Morrison

édité en France par Panini Comics

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Lorsque Grant Morrison est embauché par Marvel Comics pour reprendre la série-phare des X-Men, il s'agit pour lui de remplir deux missions. La première est d'offrir un tremplin d'accès aux nombreux spectateurs du film sorti en 2000 et réalisé par Bryan Singer. Les nombreuses séries dérivées des X-Men sont à l'époque devenues confuses et embrouillées, ressassant des personnages et des intrigues exsangues depuis le départ en 1991 de leur scénariste en chef depuis 1975, Chris Claremont. Même le retour de ce dernier en 2000 a accouché d'une reprise décevante et terminée par son successeur dans les années 90, Scott Lobdell.

 

Le deuxième objectif fixé par Joe Quesada et Bill Jemas est de rénover et d'apporter des idées fraîches afin de faire entrer la franchise dans le XXIe siècle. Morrison va ainsi réaliser son plus long run régulier depuis la Doom Patrol. De mai 2001 (n°114) à mai 2004 (n°154), il va sans interruption diriger la série rebaptisée New X-Men. Le nouveau titre et sa nouvelle typographie permet un jeu de miroir entre NEW et MEN reliés par le symbole du X. Loin de n'être qu'une coquetterie, ce titrage dévoile la grande thématique de la série : l'évolution.

 

RETOUR AUX SOURCES

 

Créés en 1963 par Stan Lee et Jack Kirby suite au succès des Fantastic Four, les X-Men sont au départ constitués du Professeur X (Charles Xavier), généticien émérite doublé d'un puissant télépathe et ses élèves, Cyclope (Scott Summers), le chef en second dont le regard lance des rafales optiques contrôlées uniquement par son viseur en quartz rubis, Angel (Warren Wothington), milliardaire ailé, le Fauve (Hank McCoy), intellectuel au physique simiesque qui en fait un athlète prodigieux, Iceberg (Bobby Drake), dont le corps est recouvert de glace et Marvel Girl (Jean Grey), douée de télékinésie et télépathe. La différence entre les X-Men et les autres héros Marvel est que ceux-ci sont nés avec leurs pouvoirs et ne les ont pas eus par accident. Porteurs du gène X, ils représentent le prochain stade de l'évolution, suite au contact quotidien de l'humanité avec les radiations nucléaires, d'où le surnom de l'équipe «Les Enfants de l’Atome».

 

Le roster originel

 Lee et Kirby jouent très tôt avec l'idée que cette différence entraine la peur et la suspicion. Dès le premier épisode, ils affrontent l'équipe de Magneto, maître du magnétisme et ancien ami de Xavier. Aidé par sa Confrérie des mauvais mutants dès le numéro 4, il désire asservir l'humanité et s'oppose donc aux X-Men, partisans de la cohabitation pacifique, sur un plan philosophique. Plus tard dans la série (n° 14), Lee et Kirby inventent les Sentinelles, des robots traqueurs de mutants conçus par le scientifique Bolivar Trask. Les auteurs augmentent d'un cran la comparaison avec le racisme et les bouleversements sociaux. Bolivar Trask invective même le peuple américain, via un débat télévisé avec Xavier, à dénoncer les mutants qu'il accuse de menace pour l'humanité. Ce discours haineux va servir au long de la série pour de nombreuses paraboles : de l'extermination nazie aux revendications de la communauté homosexuelle en passant par la peur du SIDA ou le fichage des citoyens.

 

En ce début de XXIe siècle, Morrison s'en servira comme d'un reflet de la peur de la jeunesse, des conflits générationnels et des changements de traditions. Dans son premier arc, «E is for extinction» (n°114-116), il pose l'idée qu'un boom de natalité mutante, accompagné de mutations secondaires pour ceux déjà vivants, va condamner l'humanité à disparaître d'ici quatre générations. Devant cette urgence, le professeur Xavier prend les devants et révèle au monde à la fois sa condition de mutant et la véritable fonction de son institut. En trois épisodes, Grant Morrison adresse à la fois la prolifération de séries dérivées des mutants de l'univers Marvel et renouvelle leur discours. Là où les scénaristes précédents se reposaient entièrement sur l'aspect «craint et haï par un monde qui ne les comprend pas», Morrison fait évoluer la cause mutante suivant l'exemple des minorités dans le monde réel. A l'instar des communautés noires ou gays, les mutants (mais également leur culture, leurs personnalités et leur mode) deviennent cools.

T'as le look coco 

Pour se faire, Morrison change le contenu de l'équipe et revient à une taille modeste. En lieu et place des dizaines de personnages qui encombraient les pages de la série dans les armées 90, Morrison choisit au départ un quintette d'élèves sous la houlette du Professeur X. On trouve aux côtés des vétérans Cyclope, Marvel Girl (aujourd'hui mariée à ce dernier) et le Fauve, deux membres charismatiques. Wolverine, tout d'abord : membre de l'équipe depuis le renouveau du titre en 1975. Tueur canadien aux sens développés et aux squelettes et griffes d’adamantium (métal indestructible fantaisiste), il est depuis lors, la vedette du titre, allant jusqu'à apparaître dans sa propre série et dans de nombreux titres Marvel.

L'autre favorite de Morrison est Emma Frost, ancienne ennemie de l'équipe lors de son apparition en 1980 (Uncanny X-Men n°129). Elle fut la Reine Blanche du Club des Danmés, un rassemblement select et mystérieux de riches personnalités inspiré d'un véritable club de la haute société de New York. Télépathe, elle a acquis en mutation secondaire la possibilité de transformer son corps en diamant. Il s'agit pour Morrison d'un remplacement de dernière minute du personnage de Colossus, X-Man qui pouvait devenir métallique et que les auteurs précédents venaient de tuer. Il va à ce point s'en enticher qu'il va épicer le triangle amoureux historique Cyclope/Marvel Girl/Wolverine en l'y intégrant comme tentatrice de Cyclope.

En appuyant sur les intrigues sentimentales et en affublant ce quintette d'uniformes homogènes, Morrison renoue ainsi avec le concept de base de Lee & Kirby tout en prenant en compte la tradition de soap-opera imposée par Claremont.

 

 La nouvelle équipe de New X-Men

DECOUPAGE EN ARCS


De la même manière, Morrison oppose des ennemis nouveaux issus d'anciens concepts. Dès le n°114, apparaît Cassandra Nova, une télépathe chauve qui va utiliser l'héritier de la lignée Trask pour activer des Sentinelles afin d'exterminer Genosha, une île refuge pour les mutants dirigés par Magneto. Une extermination longue et douloureuse décrite dans les numéros 115 et 116 prendra une toute autre dimension quand les tours du World Trade Center de New York seront détruites le 11 septembre 2001, quelques temps après leur parution. Il développera par la suite un discours d'entente pacifique et de lutte contre les pulsions autodestructrices de l'humanité au moment même où les évènements réels prendront un tour tragique.

 

Dès le deuxième arc (n°117 à 121 et annual 2001), Morrison présente le milliardaire John Sublime, auteur d'un livre « la 3e espèce». Sublime milite pour la greffe de parties «mutantes» sur des humains normaux (yeux aux rayons X, ailes, etc...). Les X-Men affrontent ses disciples, les milices armées «U-Men» et sauvent deux jeunes mutantes Martha Johanssen dont seul le cerveau a été conservé dans un globe, et Angel, mi-fille, mi-mouche. Ils sont aidés par un nouvel équipier, Xorn, guérisseur chinois au masque de fer et au «cerveau en forme de soleil», enfermé depuis des années dans une geôle de son pays.

 

Xorn, un personnage fort intéressant


Ils découvrent enfin que Cassandra Nova est le doppelgänger de Xavier né de sa culpabilité d'avoir étranglé sa sœur jumelle dans l'utérus de leur mère. Cassandra est un Mummudraï, « anti-être d'énergie psychique sans corps véritable » : c'est la mauvaise conscience de Xavier, la représentation de ses doutes, le cauchemar de son rêve de cohabitation pacifique. C'est également pour Morrison le moyen de reprendre l'idée d'un Xavier maléfique ou manipulateur, récurrente depuis les débuts de la serre.

 

Très vite, le scénariste écossais va ainsi renouer avec les passages obligés du titre, multipliant les sous-intrigues sentimentales, augmentant le nombre de personnages et rejouant les grandes sagas du passé. Pour preuve : la saga suivante, «Imperial» (n° 122 à 126) qui montre Cassandra Nova dans le corps de Xavier, monter l'empire extraterrestre des Shi'ar contre les X-Men. Or, nos héros ont souvent par le passé affronté la Garde Impériale (pastiche de la Légion des Super-Héros de DC) censée protéger l'impératrice Lilandra, épouse de Xavier.

 

Après ce space-opera, Morrison et les Nouveaux X-Men retrouvent le plancher des vaches et parcourent le monde dans les nombreuses ambassades de la fondation Xavier : les X-Corps (n°127 à 131). Au cours de l'une de ces visites, à Paris, Marvel Girl et le professeur X vont rencontrer Fantomex, croisement entre Fantomas et Diabolik, gentleman-cambrioleur français qui se révèle être en fait une création du projet Arme-Plus. Programme top-secret, il est à l'origine du squelette de Wolverine, connu auparavant comme Arme-X dont Morrison nous explique qu'il s'agissait en fait d'Arme-Dix (en chiffres romains). Fantomex, l'arme XIII, aide alors Jean et Xavier à combattre l'arme XII.

 

Fini le beret, la baguette et le fromage qui pue

 

Il faudra attendre les n°142 à 145, le bien nommé «A l‘assaut de l'Arme Plus», pour que Fantomex, Wolverine et Cyclope ne s'attaquent au «Monde», complexe virtuel qui créait à la chaine ces super-sentinelles. Car Wolverine y apprend enfin sa douloureuse origine : être un traqueur de sa propre espèce... toujours le motif du double destructeur.

 

Entre-temps, Morrison aura accéléré les évènements. Il commence par une paire d'épisodes simples (n°132-133) qui voient les X-Men en globe-trotters, des ruines de Genosha à l'inde où ils recueillent une Afghane, Dust, autre signe de l'ouverture d'esprit de la bande. Démarre alors une succession d'arc sans temps morts des numéros 134 à 154, qui va conduire les X-Men vers l'apocalypse morrisonienne.

 

Le premier, «Émeute chez Xavier» (n°134 à 138), explore la vie des étudiants à l'institut. Une révolte menée par le télépathe surdoué Quentin Quire va être déclenchée suite au meurtre apparent d'un styliste mutant par des humains. Les répercussions se font sentir dans «Meurtre au Manoir» (n°139-141) où l'on enquête sur l'assassinat d'un membre des X-Men. Après «A l'assaut de l’Arme Plus», «Planète X» (n°146 à 150) et «Déjà Demain» (n°151 à 154) relient les fils des intrigues et dévoilent enfin le visage des ennemis des X-Men complotant dans l'ombre depuis la nuit des temps.

 

Evidemment Morrison aborde aussi le futur

 

Car Morrison révèle en dernier lieu que les U-Men de Sublime, les Sentinelles, le projet Arme-Plus, la drogue Kick répandue dans la communauté mutante et même le Mummudraï de Xavier ont tous une seule et même origine : un gène agressif qui pousse humains et mutants à se livrer une guerre jusque dans le futur lointain de «Déjà demain», situé 150 ans après les évènements de «Planète X». Sublime est le représentant de ce gène qui désire faire évoluer l'humanité au stade de surhommes et considère les mutants comme ses opposants directs.

 

La suite de l’analyse lors du prochain épisode qui abordera plus en profondeur ce run mythique.

Source:

Yann Graff est l'auteur du livre Grant Morrison: Revolution! paru chez les Moutons Electriques.

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