Critique Dresseuses de monstres

Dans un monde où les Kaijus - créatures monstrueuses gargantuesques - sont apparus sur Terre en 1999, un établissement pour filles propose de nos jours un cursus unique et bien particulier, celui de dresseuses de monstres. C’est dans cette école atypique de Tatara que Ion Hidaka, élève de 6e, est intégrée, se retrouvant involontairement dans un club qui va lui faire découvrir, avec sa camarade Sora, les joies de l’élevage de Kaijus.

C’est en effet via ce club d’élevage que les jeunes filles sont introduites à la géante bébête à cornes que l’on voit sur la jaquette, surnommée « Bleu » pour la couleur de ses beaux yeux. Et cela commence plutôt bien puisque les gamines se voient confier la toilette du monstre dont le physique jure totalement avec sa personnalité ! Plutôt docile et pépère, prédisposé à se la couler douce et à se laisser vivre - mais clairement pas soumis - la bestiole dicte dès le premier chapitre le ton de la série qui se veut mystérieuse, introspective et contemplative mais aussi drôle, comme l’illustre Ion et sa fâcheuse impression de n’être qu’un jouet pour dinosaure !
Apprentie dresseuse aux aptitudes exceptionnelles, lui permettant d’apaiser et de se faire aimer des monstres grâce à sa voix, Ion en impose autant que la bête et forme d’emblée avec Bleu un binôme des plus amusants. Complété par l’insouciante Sora, le petit groupe est au centre d’une entrée en matière tout simplement très réussie.

C’est néanmoins à Tsukiko Miyama, la présidente du club, que Mujirushi Shimazaki offre une bonne partie de son premier tome, permettant au personnage de littéralement briller et voler la vedette à ses camarades !
Au départ, présentée comme une étudiante difficile à approcher, plutôt dure, détachée, limite insensible, son histoire et son rapport aux kaijus vont véritablement nous mouvoir. Entre son évidente jalousie vis-à-vis du lien établi entre Ion et Bleu, sa rencontre inattendue avec un bébé kaiju et la mise en exécution très personnelle de ses capacités de dresseuse, le personnage dévoile plusieurs facettes de sa personnalité en peu de temps, pour un résultat très efficace. Tsukiko nous fait rire par ses épisodes d’excentricité, autant qu'elle nous attendrit par l’affection qu’elle peut démontrer envers les kaijus ou les étoiles qui lui couvrent les yeux à la vue d’une de ces créatures impressionnantes.

La seconde moitié du tome 1 est également bien chargée, davantage recentrée sur Ion, son passé, les raisons qui l’ont poussée à suivre le cursus de formation, ses talents vocaux et l’origine de son admiration totale pour la célèbre dresseuse de monstre Kyôko Saegusa. La présence de cette dernière injecte par ailleurs une bonne dose supplémentaire d’énergie et de fun au récit mais aussi de sensibilité et de mélancolie.

A l’ouverture du tome 2, la recette est sensiblement la même si ce n’est que l’on s’intéresse cette fois-ci aux passés de Sora, qui voue une adoration absolue aux kaijus depuis leur apparition, et de Kotomi J. Kagurazaka, élève doctorante surdouée pour qui les monstres et leur biologie sont un mystère à élucider. On regrettera toutefois que leurs histoires respectives n'aient pas le même impact que les premières, ni aussi touchantes que celle de Tsukiko ni aussi marrantes que les tribulations d’Ion.
On y retrouve cependant d’autres éléments intéressants tels que l’exploration de la zone dévastée à l’arrivée des créatures servant dorénavant de réserve, la découverte surprenante de « Monsieur Aiguille », un kaiju dantesque enseveli sous terre, mais aussi cet ultime chapitre de conclusion, nous projetant quelques années dans le futur !

Graphiquement, le lecteur est en terrain connu. Le chara design des collégiennes est on ne peut plus classique, voire peut-être un peu trop simple ; le plus gros point faible de celui-ci étant la trop forte ressemblance entre Kyôko et Kotomi pour lesquelles le risque de confusion est grand. Cela dit, l’auteur se rattrape largement sur l’apparence de ses kaijus. Immenses ou minuscules, mignons ou effrayants, entier ou en morceaux (!), au physique animal ou végétal, violent ou pacifique mais toujours mystérieux et énigmatiques, il y en a pour tous les goûts.
Le découpage du mangaka et la réalisation de certaines scènes sont aussi savamment maitrisés pour compenser un dessin plutôt générique et délivrer, comme évoqué plus haut, des moments de complicités tantôt drôles, tantôt touchants entre les filles et les monstres. Quelques planches mettent aussi joliment en valeur le chant, au cœur de la formation des élèves ; la simplicité apparente n’impactant aucunement la beauté apaisante qui s’en dégage.

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