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Critique de Les Liens du Sang #1

par KssioP le ven. 21 juin 2019 Staff

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Un huit clos psychologique

On ne présente plus Shûzô ÔSHIMI, auteur désormais incontournable en France, mais il est agréable de constater que son talent se confirme dans le temps avec parfois une inspiration qui détonne le lecteur au point de le laisser à bout de souffle dans ses émotions. Le premier tome LES LIENS DU SANG remue de l’intérieur, il sécrète dans les entrailles un liquide jaune et angoissant. C’est exaltant car on ressent comme une montée d’adrénaline dans le sang et en même temps, un peu déroutant car on a parfois l’impression d’avoir un rôle de voyeur, c’est dérangeant.

Comme à son habitude, l’auteur fait peu cas du texte ou des dialogues, il ne remplit les bulles que de mots simples et courts pour étayer le fil de son histoire. On pourrait tomber dans la critique facile et dire que c’est un défaut « ses tomes se lisent toujours trop vite », pour autant on le sait, c’est par l’image que tout se crée, que tout se modèle et se ressent.

LES LIENS DU SANG nous décrit l’histoire « simple » entre une mère très aimante et son fils de 13 ans très dévoué. Sauf que cette simplicité est une façade et l’étrange complexité de leur relation se transmet via le crayon très sûr d’OSHIMI. Dès les premières pages la pression pèse sur les épaules du jeune Seiichi dès que sa mère se présente devant lui. Et par extension elle pèse sur nous aussi.

Le faciès des personnages et particulièrement celle de la mère bouscule et inspire la méfiance. On pourrait parler de forte expression mais je dirais plutôt qu’il y a sur son visage ou dans son regard une sorte d’in-expression constante, un marbre blanc qui empêche la juste interprétation et qui sonne comme une alarme à nos oreilles. On retrouve cela aussi avec les autres membres de la famille du garçon. Je pense précisément à sa tante qui possède un air de démon quand elle frappe à la porte la première fois. Cela est dû à la brillante maîtrise du clair-obscur dans le trait de l’auteur qui instaure un vrai contraste entre le bien et le mal, ou entre la part d’ombre qui se terre sous la lumière et inversement. Les sourires apparaissent déplacés, parfois surfaits ou carrément fous si bien que je me suis parfois demandé si ce n’était pas l’esprit de Seiichi par qui nous voyons tout qui serait altéré et qui forcément nous partagerait une vision fausse et déformée de la réalité.

En attendant d’en savoir plus, reste qu’on découvre dans ce tome 1 un garçon introverti par la surprotection d’une mère très possessive. Un garçon qui contrairement à ses copains se plie aux quatre volontés de sa maman avec une bienveillance qui frôle le fanatisme. Seiichi ne se montre pas vraiment enthousiaste à s’éloigner du cocon familial, il paraît presque ravi de faire plaisir à celle qui lui a donné le jour. Aussi, de notre côté on devine que quelque chose ne va pas. Que c’est malsain cette relation exclusive qu’ils ont tous les deux, même le papa est dessiné de manière à nous le représenter extérieur à la situation. Il ressemble à un spectateur ou un invité malaisé dans sa propre maison. Même un baiser d’une mère à son fils est choquant ici.

Heureusement, le lecteur n’est pas l’unique à considérer tout cela « bizarre », les copains de Seiichi, son cousin un brin envahissant, le taquinent à ce sujet et le poussent doucement à couper le cordon ombilical mais il reste indifférent jusqu’au drame inopiné qui se produit à la fin. Je ne vous dis pas quoi, rassurez-vous, juste sachez que ce retournement brutal brûle notre envie de connaître la suite. C’est un coup de cœur pour ma part, reste à savoir si l’intensité du tome 1 saura tenir au-delà.

En bref

Un premier tome qui maintient éveillé même si la fatigue tiraille en plein milieu de la nuit. La mise en scène est percutante, l’ambiance générale dérangeante et malsaine comme dans un film noir. Entre Seiichi et sa mère, c’est un huit clos chauffé par un soleil de plomb qui dépasse LES LIENS DU SANG. Qui nous dépasse un peu aussi pour le moment. Il va s’en dire que je suis impatiente de lire la suite, même si je crains d’ouvrir une porte qui mène dans une pièce blanche et capitonnée qui aurait l’odeur d’un cadavre en décomposition.

9
Positif

Parfaite maîtrise du clair-obscur

Pression de la mère qui dépasse les frontières du livre

Ambiance de film noir

Rebondissement final.

Negatif

Trop court, toujours trop court

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