Le bourrin au cœur tendre

On continue la série des aventures d’Ethan Reckless avec ce troisième tome intitulé Eliminer les monstres.

Dans cette nouvelle enquête on suit le détective très privé qui plonge au cœur d'un nouveau boulot alors qu’il essaye de régler des problèmes personnels. Comme pour les deux albums précédents, c’est une excellente lecture avec un scénario plein de rebondissements mais ici on découvre un trait du protagoniste que l’on ne pouvait que soupçonner : une certaine sensibilité bien enfouie.

Ed Brubaker nous plonge dans une nouvelle mission haletante de son mercenaire cinéphile. Il n’est plus à prouver que l’auteur sait écrire et s’illustre totalement dans le genre du polar ; ce nouvel opus ne fait que confirmer tout ça. Il arrive à instaurer à un personnage que l’on croyait dénué d’émotions une sensibilité à laquelle on n’a aucun mal à croire tellement cela paraît naturel. Outre quelques petites longueurs (chose que je n’avais pas ressentie dans les précédents albums) on passe un très agréable moment de lecture.

Qui dit polar et Brubaker dit Sean Phillips. Et bien je continue à penser que le dessin n’est clairement pas à la hauteur du récit et de qu'a pu nous proposer le dessinateur. Certes le duo fonctionne toujours aussi bien et l’ambiance est top, mais la précision et les proportions ne sont, une fois de plus, pas au rendez-vous. Plusieurs fois, j’ai été gêné par les visages grossiers et les proportions très étranges des personnages et ça a pu me freiner dans ma lecture. Attention, je ne dis pas que c’est affreux et qu’il faut fuir, sûrement pas, dans le style ça reste du Sean Phillips mais il nous a habitués à tellement mieux que lorsqu’il est un niveau en dessous, ça se ressent.

Par contre, je ne tarirai pas d’éloges pour le travail exceptionnel de Jacob Phillips aux couleurs. Pour moi, il sauve l’aspect graphique de l’album avec des couleurs explosives qui instaurent des ambiances très particulières. C’est compliqué à décrire mais il suffit d’ouvrir et de feuilleter l’album pour être tout de suite embarqué dans son univers. Vraiment très fan de son boulot, j’ai hâte de voir ses prochaines planches !

Tout cela réuni fait qu’on passe globalement un très agréable moment de lecture et ça reste une série que j'aurai beaucoup de plaisir à suivre.

Toujours édité par Delcourt, les matériaux utilisés sont de très bonne qualité avec un papier bien épais et un rendu juste brillant comme il faut qui ne dénature pas les couleurs. Par contre, j’ai dû tomber sur un mauvais lot d’impression car j’ai eu 4-5 pages imprimées en décalé, ce qui est plutôt gênant mais j’ai feuilleté d’autres albums chez le libraire et je n’y ai pas revu ce problème. L’absence de contenu éditorial me donne toujours une sensation de manque en fin d’album.

Personnellement, je n’accroche plus trop aux couvertures qui se ressemblent vraiment trop à mon goût mais je comprends la volonté, comme pour certains polars, d’avoir une trame similaire et quelques détails qui évoluent.