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Critique de One-Punch Man #1

par cmaj le dim. 31 janv. 2016

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One-Punch Man. Il est absolument impossible que vous n’ayez jamais entendu ce nom. Si vous me lisez, c’est que vous êtes sur le site Manga Sanctuary, donc que vous vous intéressez à l’univers des mangas, et donc que vous avez forcément déjà entendu parler de One-Punch Man, tant ce phénomène a été évoqué au cours des derniers mois. One-Punch Man (OPM pour les intimes) est à la base un webcomic écrit et dessiné par ONE depuis 2009. Une adaptation en manga scénarisée par ONE et dessinée par Yusuke Murata (à qui on doit, entre autres, les dessins excellents d’Eyeshield 21) a vu le jour en 2012. C’est cette adaptation qui a été éditée en France par Kurokawa. Ce manga nous raconte l’histoire de Saitama, jeune homme sans emploi qui décide un jour, pour une raison que vous découvrirez dans le manga, de devenir un super héros. Il s’entraînera donc comme un fou pendant trois ans, à tel point qu’il en perdra ses cheveux. Mais le plus important, c’est qu’il a acquis une puissance telle, qu’il peut vaincre tous ses adversaires en un seul coup de poing, d’où le nom du manga. Il va donc chercher des adversaires capables de lui tenir tête… Mais tout ce paragraphe que vous venez de lire, vous en connaissiez déjà le contenu, inévitablement. Mais pourquoi saviez-vous tout cela ? Pourquoi tous les amateurs de manga ont indubitablement prononcé les mots "One-Punch Man" au cours de ces derniers mois ? C’est à cette question que nous allons tenter de répondre en analysant ce premier tome. Tout d’abord, notons que OPM se distingue des autres mangas en proposant un concept différent, original, et qui amène un vent de fraîcheur au paysage du shonen actuel. Alors qu’on nous sort actuellement en masse des nekketsu, tous clones insipides de Dragon Ball, qui nous racontent l’histoire d’un héros qui s’entraîne à devenir plus fort et affronte des ennemis de plus en plus coriaces, OPM prend les choses à contre-courant : Saitama est dès le début du manga à un niveau surpuissant, et il incombera à ses ennemis de s’améliorer pour pouvoir espérer tenir tête à notre héros. Si cette situation n’est pas inédite dans l’histoire du manga (par exemple, Kenshin Le vagabond, et dans une moindre mesure Hokuto no Ken, voire Nanatsu no Taizai plus récemment, commencent avec des héros presqu’invicibles), elle n’a pas été mise ainsi en avant depuis longtemps, et apporte vraiment quelque chose d’extraordinaire pour les jeunes générations de lecteurs. Même si partir d’un personnage principal indestructible a déjà été vu dans d’autres mangas, OPM se paie en plus le luxe de se différencier de ceux-ci en utilisant la situation, la singularité, le décalage du héros comme générateurs de situations humoristiques. Saitama est un anti-héros déjà considéré comme culte, j’m’en foutiste au possible, invincible, et totalement blasé de la vie. Tout est pensé pour créer un véritable décalage entre Saitama et les héros conventionnels. Même graphiquement, Saitama porte un costume moulant jaune ridicule, est chauve, et a des yeux complètement cartoonesques (qui apportent un contraste délirant par rapport au graphisme général de la série) dénués d’émotion et terriblement drôles. Il a tendance à tout prendre au second degré, à ne jamais prendre ses ennemis au sérieux, à ne jamais se prendre lui-même au sérieux. Le manga évoquera donc pour beaucoup de gens une parodie d’un comics américain. Techniquement aussi, OPM se distingue de bien des autres mangas. Ce premier tome présente des planches absolument magnifiques. Les décors sont somptueux, dessinés jusque dans les moindres détails, avec utilisation de beaucoup de trames qui apportent des ombres splendides aux éléments dessinés. Le chara design se veut également surprenant ; si la plupart des personnages ont une apparence très proche de celle qu’on a pu voir dans d’autres œuvres de Murata, les monstres ont eux un aspect totalement atypique, très souvent risible, comique, et imprévisible tant ils sont différents les uns des autres. Quant au héros… On dirait vraiment qu’il n’appartient même pas à ce manga, tant son apparence est décalée des autres personnages, ce qui renforce d’autant plus la stupéfaction du lecteur dans les moments où Saitama devient sérieux et arbore un chara design (au niveau des yeux) semblable aux autres personnages de Yurata. Le découpage du manga est lui aussi parfaitement maîtrisé. Dans OPM, l’auteur joue parfaitement avec le découpage, et par moment, on est vraiment dans de la contemplation. Lors des scènes de la vie quotidienne, le découpage nous imprègne d’un rythme, d’une vitesse globalement similaires à ceux qu’on trouve dans d’autres mangas. Durant les scènes de destruction et de combat, le découpage se veut davantage cinématographique, aboutissant bien souvent, au moment du fameux "punch", à des double-pages sublimes. Ce n’est pas pour rien que j’ai parlé de contemplation. A partir du moment où on utilise deux pages entières pour montrer quelque chose qui aurait pu tenir dans une petite case, il n’est pas surprenant de constater que ce premier tome de OPM se lit vite, terriblement vite, environ dix minutes devraient largement vous suffire pour en voir la fin. Mais est-ce un défaut ? Non, car nous sommes là devant un parti pris de l’auteur, qui préfère jouer la carte de la beauté des planches plutôt que le dynamisme, la condensation des éléments de l’intrigue. Il est aussi à noter que les mouvements sont extrêmement bien retranscrits durant les scènes d’action, avec une surutilisation de lignes tracées, qui nous montrent d’où viennent et où arrivent les mouvement, et on ressent bien toute la puissance de notre héros lors des impacts, grâce aux détails graphiques des corps ou décors qui se font détruire. Et lorsqu’on sait que plus le temps passe, plus les mangakas progressent, on peut à juste titre envisager d’avoir dans le futur de véritables œuvres d’art en guise de planches. Donc oui, techniquement, ce premier tome est excellent. Oui, il apporte de belles promesses quant à la suite du manga. Mais scénaristiquement, le manga tiendra-t-il dans la durée ? On peut raisonnablement en douter : si le concept de base est une excellente trouvaille, le développement scénaristique est presqu’inexistant dans ce premier tome. On se rend très vite compte des lacunes que le manga pourra avoir sur le long terme, à savoir, répéter constamment le même schéma narratif : un ennemi arrive, détruit tout, Saitama arrive et terrasse le méchant en un coup de poing. On peut aisément envisager qu’une lassitude va s’installer chez le lecteur. Ayant vu l’anime, je peux vous dire que trop peu de nouveaux éléments sont apportés au scénario. S’il y a bien une légère trame de fond (la "carrière" du héros), elle n’est à mon sens pas suffisante pour justifier un nombre de tomes conséquent. Et contrairement à d’autres shonen, j’ai peur de ne pas voir dans OPM un jour un seul combat qui puisse me faire vibrer… Alors, OPM est-il un véritable chef-d’œuvre en devenir, ou simplement la hype du moment ? Chacun se fera son opinion, mais il est indéniable qu’il y a un engouement massif autour de ce manga. Il est sur toutes les lèvres depuis plusieurs mois. OPM bénéficie d’un marketing remarquablement bien huilé ; l’anime (proposé gratuitement par ADN, merci à eux !) a grandement contribué à sa popularisation, les communautés internet, la communication de Kurokawa, le bouche à oreille… Tout, absolument tout a été fait pour que OPM soit LE manga du moment. Le premier tome de One-Punch Man est numéro un des ventes de manga en France à l’heure où j’écris ces lignes ; il est le meilleur lancement de l’éditeur Kurokawa (devant même Fullmetal Alchemist), et peut-être même le meilleur démarrage français de ces dix dernières années en terme de vente d’un premier volume de manga. Environ 65000 ouvrages ont été tirés, et plusieurs librairies se sont retrouvées en rupture 2-3 jours seulement après la sortie du manga. OPM est donc un phénomène. Et qui dit phénomène, dit grosse attente ; il est donc parfaitement compréhensible que certains, qui s’attendaient à lire le meilleur manga du monde, soient déçus de ce tome un, par exemple à cause de la répétitivité du scénario. Notons que l’éditeur Kurokawa nous gratifie d’une édition de qualité, avec une couverture française identique à l’édition japonaise, un papier de bonne épaisseur, une traduction agréable ; même les onomatopées sont traduites ! OPM présente tous les arguments nécessaires pour devenir un indispensable de toute mangathèque qui se respecte. Pour conclure, rappelons que OPM apporte une véritable bouffée d’air frais aux amateurs de shonen frustrés de constater qu’on leur propose bien souvent la même recette depuis quelques temps. S’il y a bien un terme que les gens utilisent à tout va pour décrire OPM, c’est « original ». Et oui, il n’y a pas de meilleur mot pour résumer ce qui fait de ce manga un phénomène. Quant à savoir si on est en présence du futur plus grand manga de tous les temps ou juste d’une mode, à vous de vous forger votre opinion ; dans tous les cas, ce premier tome est irréprochable.

En bref

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