Quelque part, dans la campagne française en 1912, nous assistons à une étonnante chasse à cour… « Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan ! Maintenant il s’est sauvé, et comme une bête traquée, il galope dans la nuit, et tous galopent après lui, les gendarmes les touristes les rentiers les artistes. Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan ! C’est la meute des honnêtes gens qui fait la chasse à l’enfant… » Ces quelques vers de Jacques Prévert sur les colonies pénitencières (pour mineurs) prennent leur juste place dès les premières vignettes de cette bande dessinée. C’est dans un de ces bagnes que nous accompagnons les quatre protagonistes de cette histoire, finement ciselée : Honoré Bonnot (petit caïd, fils d’un grand, qui n’a pas froid aux yeux et sa langue dans sa poche), Adrien Pointet (un petit roux inhibé), Miguel Agostino (l’espagnol analphabète, aux balafres apparentes) et Jean Marguin (secret, mystérieux...à la recherche de son frère dans cet univers carcéral pour minots). Leurs fautes !? Vols à l’étalage, injures à l’encontre de la maréchaussée, mœurs vicieuses (!)…Chacun jurera de la gravité de leurs actes. La société, philanthrope, a choisi l’enfermement. Connaît-elle le quotidien de ces enfants si gravement sentenciés ? Humiliations, abus en tout genre, agressions, asservissements... Cette bande dessinée a le mérite de s’attaquer à un sujet méconnu qu’on banalise, qu’on justifie en se disant qu’il fallait bien s’occuper de ces enfants miséreux avilis par l’enfer citadin (donc déviants) ou criminels par hérédité...On ne rentre pas trop dans les détails. Il ne s’agit pas d’un documentaire. Mais l’histoire qui s’y passe aurait pu être tout simplement réelle ou légèrement aménagée. On s’attache vite aux protagonistes, on craint pour eux, on court avec eux…Sûr que je lirai le tome 2.