Viens Dans Mon Comic Strip : Simonson est un extraterrestre

Jean-Marc Lainé nous offre sa vision sur la patte graphique de Walter Simonson.

RENCONTRE DU TROISIÈME TYPE

Simonson est un extraterrestre

 

Il est des albums vers lesquels on revient toujours. Parce qu’ils représentent des rencontres, essentiellement. Et dans le cas de celui-ci, si le titre et le récit évoque une rencontre, c’est aussi, pour le signataire de ces lignes, une rencontre avec un auteur à la patte affirmée : Walt Simonson.

 

Simonson, on vous en a déjà parlé dans ces lignes, en évoquant la couverture collector de Spidey ou encore ses dessins de fan dans Magnus: Robot Fighter. Simonson, pour moi, c’est également un jeu de pistes et de découvertes. Par exemple, son nom est cité dans le Starfix consacré au Retour du Jedi (ouais, à l’époque, bande de jeunes, on ne comptait pas en « épisodes », on donnait le titre des films, nous les vieux…) lors de l’évocation de ses formidables épisodes BD de Star Wars (l’une des grandes périodes de la série chez Marvel, et l’une des meilleures prestations de la carrière de David Michelinie), à l’occasion de quoi le rédacteur parle également, entre deux lignes, de ses épisodes sur Thor, que je mettrais encore des années à lire, au passage, et que je ne connaissais guère que par un article formidable de Patrick Marcel dans un vieux Scarce.

Simonson, c’est aussi un trait particulier que je croise en l’identifiant sur un fill-in d’Uncanny X-Men, mais que je vois également, sans le reconnaître, le temps de quelques pages de Dazzler#2. Je connais son travail grâce à la version française du cross-over X-Men / New Teen Titans, mais il y dessine des personnages que je connais bien et il y est encré par Terry Austin, ce qui confère une touche byrnienne à l’ensemble que mon œil, guère exercé à l’époque, ne sait distinguer de son travail propre. Quant à l’univers de Kirby, représenté par Darkseid ou par le Mur, ça me passe à l’époque complètement au-dessus de la tête, les New Gods et consorts restant encore pour moi des trucs à découvrir à l’époque (et il faudra quelques années). Donc Simonson qui navigue dans l’univers de la puissance, du mouvement, de la massivité hiératique, ça ne me parle pas encore beaucoup.

D’une certaine manière, cet album de Sagédition, reprenant le format et le contenu du hors série gigantesque consacré à l’adaptation Marvel de Rencontre du Troisième Type (le lettrage d’André Schwartz, tout à fait correct malgré les imprécisions et les fautes habituelles chez Sagédition, ne fera pas oublier celui de la VO, assuré par le grand Gaspar Saladino), c’est un peu ma « Pierre de Rosette » à moi pour comprendre Simonson. Je ne saurais dire dans quel ordre j’ai lu ses travaux, mais celui-ci compte parmi les premiers, et surtout, sortant de l’univers des super-héros, il m’offre alors des clés pour comprendre le graphisme sans être parasité par les univers mis en scène. Je crois même que je n’avais pas encore vu le film de Spielberg qu’il illustre, c’est dire comme, pour moi, l’album est associé à une découverte visuelle.

L’encrage de Klaus Janson, je le connais bien, notamment à cause de Daredevil (même avant Miller : j’adorais son encrage sur Gil Kane). Les couleurs (de Marie Severin), je les aimais beaucoup, malgré des choses étranges. Je garde en mémoire une scène où les deux héros découvrent qu’ils ont des coups de soleil, provoqués en pleine nuit par l’apparition bizarre derrière laquelle ils courent. Severin choisit étonnamment de représenter le coup de soleil… par du rose, suggérant une pâleur plus prononcée (en VF, les retouches proposées ne font qu’accentuer le phénomène). La contradiction entre les dialogues et l’image m’a laissé perplexe et sourcilleux. En revanche, certaines cases monochromes, où les teintes sont rendues par les trames utilisées par Janson, sont du plus percutant effet.

Les planches proposent des compositions dynamiques, super lisibles, mais plein d’astuces. Certains plans sont étourdissants, avec des caméras au sol qui créent des effets de profondeurs assez forts. De même, afin de simuler les tremblements, les secousses, Simonson utilise souvent les cases de guingois, ce qui est du meilleur effet.

 

Une chose m’avait frappé, c’est le nombre de cases en gros plans sur les mains (la scène de la sculpture dans la purée), et l’attention de Simonson à la gestuelle des personnages. Les mains sont constamment en mouvement, à l’image des corps, expressifs, exagérés, forcés, mais tellement vivants. L’immense taille de l’édition de Sagédition est pour beaucoup dans la contemplation du dessin, il faut bien le reconnaître.

Pour l’anecdote, signalons un petit Archie Goodwin (le scénariste de l’adaptation et vieux complice de Simonson) en caricature, tel que le scénariste s’amusait à se représenter lui-même dans ses éditoriaux, faisant une discrète apparition en page 26.

Le tour de force de l’ensemble est la double page marquant l’apparition (enfin) du vaisseau spatial extraterrestre. Baroque, géométrique, coloré, il est moins évanescent et plus technologique que celui du film (Simonson se rattrape en toute dernière page en offrant une masse d’ombre et de lumière), mais il est complètement simonsonien. Les tubulures qu’il dessine font écho aux rais de lumière, le vaisseau irradiant à la fois de couleur et de métal, confondant le solide et l’immatériel. La composition penchée, avec le vaisseau comme en déséquilibre au-dessus du mont, renforce l’étrangeté. Ses parties noires où brillent d’indéfinissables loupiotes renvoient au vide interstellaire piqué d’étoiles, en cercles concentriques vide / matière / vide / matière.

Simonson a déjà constaté, dans des interviews, qu’il était pendant un temps relégué aux adaptations de produits audiovisuels (Battlestar Galactica, Star Wars, Alien…). Mais force est de reconnaître qu’il confère une magie propre à ces adaptations, rivalisant d’un merveilleux dont les salles obscures, grâce à lui, n’ont pas l’apanage.

Source:

Jean-Marc Lainé, auteur, traducteur et responsable éditorial dans le monde des comics. Il a écrit récemment le livre : Comics & Contre-Culture, disponible à ce jour.

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