Retour vers le passé : Nous avons gagné ce soir (1949)

 

REALISATEUR

Robert Wise

SCENARISTE

Art Cohn, d’après le poème de Joseph Moncure March

DISTRIBUTION

Robert Ryan, George Tobias, Audrey Totter, Wallace Ford…

INFOS

Long métrage américain
Genre : drame/film noir
Titre original : The Set-Up
Année de production : 1949

“Série B par son budget, mais série A par sa mise en scène”, comme Robert Wise aimait en parler, Nous avons gagné ce soir est le dernier long métrage réalisé par le futur metteur en scène du Jour où la Terre s’arrêta et de La Maison du Diable pour le compte de la RKO, où il débuta en occupant plusieurs postes dont celui de monteur (notamment sur l’illustre Citizen Kane). Et jusqu’à la fin de ses jours, il est resté l’un de ses préférés. Le scénario est inspiré par “The Wild Party” (La Nuit d’Enfer en version française), un poème narratif de Joseph Moncure March qui dresse plusieurs portraits dont celui d’un boxeur noir qui refuse de truquer un combat (à noter que ce poème a été adapté en bande dessinée par Art Spiegelman).

C’est la partie avec le boxeur qui a conduit le journaliste sportif Art Cohn à écrire son premier scénario pour le cinéma, un script acheté par la RKO qui en confia la réalisation à Robert Wise. Comme toute adaptation, des changements ont accompagné la transposition à l’écran : Wise et la RKO avaient semble-t-il bien l’intention d’engager un comédien noir pour le rôle principal, mais le manque d’acteurs de couleur de premier plan à l’époque en a décidé autrement. Le choix de Robert Wise s’est alors porté sur l’excellent Robert Ryan (Feux Croisés), l’une des figures du film noir des années 40/50, impressionnant en Bill “Stoker” Thompson, boxeur usé qui croit pourtant toujours en ses chances de victoire. Son manager n’a pas autant confiance en lui et a monté une combine dans son dos…

 

 

Lui-même ancien boxeur, Robert Ryan affiche une présence charismatique, son jeu est touchant dans les scènes qu’il partage avec la comédienne Audrey Totter qui incarne sa compagne, d’une grande justesse dans ses interactions avec les autres boxeurs alors qu’il attend son tour de monter sur le ring…et intense dans le dernier acte tout au long d’un combat dont on ne manque aucune minute.

Car Nous avons gagné ce soir fait partie des tous premiers longs métrages dont l’action se déroule en temps réel. Le temps diégétique correspond donc à celui de la durée du film, c’est-à-dire 72 minutes. Dans le premier plan, la caméra zoome sur une horloge, il est 21h05…et la dernière image revient sur cette même horloge, il est alors 22h17. Quelques inserts sur des réveils, des cadrans renseignent sur le temps qui passe pendant le déroulement du récit. D’après les cinéphiles les plus pointilleux, il paraît que ces plans ne sont pas toujours pas précis, mais franchement ce n’est pas bien grave tant ce qui le drame qui a lieu est captivant.

 

 

 

Nous avons gagné ce soir est une leçon de montage et de réalisation. La gestion de l’espace dans les minutes d’exposition, qui présente les spectateurs que l’on retrouvera par la suite, est brillante. Le deuxième acte est remarquable car il permet d’en apprendre plus sur Bill “Stoker” Thompson sans voir recours aux flashbacks et garder ce qui fait la spécificité de la narration. Tous les boxeurs qui passent avant lui peuvent être vus comme des “instantanés” de sa carrière : il se retrouve en eux, il voit son passé dans le p’tit jeune qui remporte son premier combat, dans l’arrogant qui enchaîne les victoires, mais aussi son futur (pas si éloigné) dans celui qui représente la peur du combat de trop.

Et puis vient le combat de Stoker. 4 rounds contre un nouveau venu aux dents longues parrainé par un mafieux. 4 rounds tendus filmés avec précision. La caméra capte la sueur, l’atmosphère étouffante de la salle, s’attarde sur plusieurs visages qui assistent au spectacle, sur leurs réactions fiévreuses. 4 rounds qui montent en puissance, de plus en plus déchaînés, jusqu’à ce que Stoker apprenne ce que son manager a manigancé, jusqu’à son sursaut d’orgueil…là encore, le montage est important et les coupes plongent littéralement au coeur du combat pour en ressortir tétanisé.

Et je n’en dirais pas plus sur le poignant final. “Série B par son budget, série A par sa mise en scène”, je suis bien d’accord…et surtout chef d’oeuvre du drame sportif !

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