TUMATXA : L'EMISSION ! - EPISODE 4 : L’enquête sur la tête de mort venue de New-York

Quatrième émission de « Tumatxa! » pour cette saison, la dernière avant les vacances de la Toussaint… et on se retrouvera après les dites vacances pour évoquer des tas de choses formidables, croyez-moi (un certain barbu de Northampton risque d’être au menu, mais cela n’étonnera guère les habitués de l’émission…). Cette semaine, programme classique mais enthousiasmant. Mais n’est-ce pas le cas chaque semaine ? La réponse est oui.
Cinéma (on décroche de l’actualité mais c’est pour évoquer un chef-d’oeuvre), littérature (avec une découverte venu d’Argentine), BD (avec un album aussi beau que profondément original), le tout en musique (et quelle musique !) ; voilà le genre de fête à laquelle vous êtes conviés ce soir, mesdames et messieurs.
Pour le cinéma, chose promise de longue date, chose due : nous revenons sur le corpus de l’indispensable Charlie Kaufman, pour évoquer ce qui est probablement son chef-d’oeuvre, « Synecdoche, New-York » (2008), son premier long métrage. Coup d’essai, coup de maître comme on dit, même si Kaufman n’était déjà plus un perdreau de l’année quand il est passé derrière la caméra pour ce film prodigieux. Caden Cotard, énième avatar fictionnel transparent de Charlie Kaufman, est un metteur en scène de théâtre pas très heureux, frustré par son travail, accablé par la maladie (imaginaire ?) et dont le couple part en sucette et pas qu’un peu. Miracle : une bourse apparemment illimitée lui permet de réaliser sans entrave l’oeuvre de son choix. Et son théâtre de prendre les dimensions de son existence toute entière… Mélange désarçonnant et pourtant fluide de tonalités en apparence contradictoires, exercice de style narratif vertigineux, condensé des névroses de son auteur (la vie, la mort, l’art…), « Synecdoche, New-York » est tout ça à la fois et bien plus encore. Ce diable de Kaufman est décidément l’un des auteurs les plus passionnants de notre temps. En attendant la suite de son génial « Antkind » (son premier roman, car en plus il écrit des romans), plongez ou replongez donc dans cette oeuvre tentaculaire dont 50 visionnages successifs ne suffiraient à épuiser la richesse.
Pour la littérature, je découvre (et vous aussi peut-être) le travail de feu Juan José Saer, écrivain argentin exilé en France, avec « L’enquête », étonnant et bref roman à l’ascendance borgésienne évidente (encore qu’il nous faille quand même examiner ce point de plus près. L’enquête du titre est celle menée par Morvan, flic parisien obsédé par une… enquête sur une série de crimes abominables commis dans Paris intra muros (un serial-killer de petites vieilles, pensez donc). Parallèlement, une autre enquête, littéraire celle-là, est menée en Amérique du Sud, sur la piste d’un roman énigmatique dont l’origine reste à identifier, qui porte sur la Guerre de Troie naguère narrée par Homère… Le lien entre ces deux pans du roman ? A vous de le découvrir, dans ce livre dont VOUS êtes le principal détective. Jeux méta-textuels complexes, hommages à la grande comme à la « petite » littérature : la voilà, la piste Borgès… sauf que le style de Saer est bien différente de celui du vieux maître argentin. Admirable livre en tout cas, une belle découverte récemment exhumée par les éditions du Tripode.
Pour la BD, c’est un vrai plaisir de retrouver la bédéaste française Daria Schmitt, déjà à l’oeuvre sur le très beau « Le Bestiaire du crépuscule » que nous avions évoqué en son temps. Son dessin virtuose à la plume et à l’encre de Chine fait à nouveau des merveilles sur le tout aussi beau « La Tête de mort venue de Suède », drôle de récit scientifico-philosophique qui évoque le sort de la dépouille mortelle de René Descartes, père de la pensée rationaliste, cartésienne, et à bien des égards mentor de la pensée scientifique moderne, comme les très riches annexes de l’album (rédigées par des scientifiques et philosophes spécialistes de la chose). Ce n’est pas forcément un album pour tous les estomacs, mais c’est assurément très original, passionnant pour peu que l’on porte un intérêt même limité à l’histoire des sciences et de la pensée en général… et c’est proprement magnifique, sans surprise si l’on suit le travail de Daria Schmitt.
Le tout est mis en musique avec soin et avec goût : Bruce Dickinson nous propose une relecture de son album solo de 1994, « Balls To Picasso » (ça s’appelle tout simplement « More Balls To Picasso », et pour voir ce que ça donne on écoute le très bon « Sacred Cowboys » ; « Age Of Aquarius » marque le retour très en forme de James Kent alias Perturbator, et le puissant « Lunacy » nous rappelle à quel point le bougre excelle dans les ambiances cyberpunk/synthwave ; Laura Pleasants n’est pas que l’une des figures de proue du groupe Kylesa, elle mène aussi le projet The Discussion dont le premier album « All The Pretty Flowers » est sorti récemment, et dont est issu l’excellent « She Said » ; enfin, joie inespérée dans nos coeurs, car le mythique Cathedral de Lee Dorrian est contre toute attente de retour 12 ans après son trépas (du groupe, pas de Dorrian hein) pour un titanesque morceau inédit de 30 mn, « Society’s Pact With Satan », et on va pas se gêner pour l’écouter en entier…!!!
”Blood red sky, black sunrise
Flaming earth, watch it die
War has taken, all hope away
Love forsaken, evil at play”


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